Est-ce (enfin) le bon temps pour investir?
Si nous avions posé la question il y a 20 ans, on peut se demander quelle aurait été notre réponse. Mais aujourd’hui, on sait ce qu’on aurait dû répondre.
__________________________________________________________________
Des raisons d’être optimiste et pessimiste
On peut s’abandonner à toutes conjectures : il y a autant de raisons d’être optimiste que pessimiste face au marché boursier :
1 – Quelques raisons d’être optimiste :
♦ L’économie mondiale continuera de répondre aux besoins des populations
Bien qu’à un rythme faible, la population mondiale continue de croître. On prévoit que cette croissance arrêtera dans 40 ans (1).
L’économie mondiale va continuer d’exister et de croître pour répondre aux besoins de cette population. Les entreprises vont continuer de produire les biens et services que cette population consomme. Elles continueront de faire des profits et de procurer des rendements à leurs actionnaires.
♦ Les innovations se multiplient
Malgré le ralentissement des activités au cours de la pandémie COVID-19, l’innovation a progressé à un rythme record dans une foule de domaines (2). Ainsi au cours des deux dernières années, les pays du monde entier ont établi de nouveaux records en matière de création d’entreprises, de nouveaux brevets et d’investissements en capital de risque. Un exemple : en 2021, les investissements mondiaux en capital de risque ont cru de 111% par rapport à 2020 !
Il faut reconnaître que la pandémie elle-même a forcé de nombreuses entreprises à innover pour adapter leur organisation du travail qui datait d’une autre époque.
♦ La valeur des fusions et acquisitions se maintient
Avant l’invasion de l’Ukraine, on anticipait qu’en 2022 le volume des fusions et acquisitions américaines dépasserait le rythme record de 2021 (3). Bien qu’il y ait eu un ralentissement, on peut s’attendre que le mouvement de consolidation se poursuive.
♦ Les programmes de vaccination ont évolué
Le succès des campagnes de vaccination et l’expérience acquise par les différents pays a permis de reprendre une bonne partie des activités interrompues en raison de la pandémie (notamment les voyages et les divertissements).
2 – Quelques raisons d’être pessimiste
♦ La crise ukrainienne
La guerre entraîne une série de conséquences néfastes pour l’ensemble des pays du monde: pénurie de matières premières (céréales, métaux), augmentation drastique du coût de l’énergie et destruction de l’environnement.
Ceci crée une inflation aussi soudaine que brutale, à laquelle nul n’était préparé. À ce stade, il est impossible de savoir quel sera l’impact des pénuries ni la durée de cette poussée inflationniste.
♦ La montée de l’extrême-droite
Les écarts de richesse s’accroissent et les états sont incapables de faire face aux problèmes causés par la détérioration des conditions de vie des citoyens. C’est pourquoi les mouvements ultraconservateurs trouvent de plus en plus écho dans nos sociétés.
Les thèses simplistes, les promesses et les visions manichéennes de ces groupes séduisent ceux qui recherchent les solutions faciles.
Il y a un risque que la prise de pouvoir par des partis d’extrême-droite dans des pays développés entraîne des attaques aux valeurs garantes de l’intégrité de nos lois et de nos institutions. Nos économies pourraient en faire les frais.
♦ La dégradation de l’environnement
La dégradation de l’environnement est un fait incontestable. Ses effets sont multiples : diminution de la qualité et de la disponibilité de matières nécessaires à la vie, augmentation du coût de l’énergie, problèmes de santé, etc.
La dégradation de l’environnement affecte la performance des entreprises. Là encore, il est impossible de savoir quel sera l’impact de la crise environnementale, notamment d’un réchauffement climatique qui continue de se préciser.
Quelques vérités au sujet des marchés boursiers
Pour investir en bourse avec succès, il faut se rappeler un certain nombre de choses qui ne changent pas avec les modes et les recettes magiques des gourous qui pullulent sur les réseaux sociaux.
1 – L’importance de la valeur intrinsèque*
On ne devrait investir dans un titre que lorsque sa valeur intrinsèque* est supérieure à sa valeur marchande (4).
2 – Pourquoi le prix d’un titre boursier fluctue
La seule raison pour laquelle le prix d’un titre baisse, c’est qu’il y a plus de vendeurs que d’acheteurs. Même chose à l’inverse si le prix monte. Que le prix d’un titre baisse ou monte n’est pas important. Ce qui importe, c’est la raison pour laquelle le prix fluctue.
Si la baisse de prix n’affecte pas la valeur intrinsèque*, alors il n’y a aucune raison de s’en départir. Si le prix du titre baisse concurremment à une baisse généralisée du marché, ce peut être une excellente occasion d’augmenter notre position. Et si le prix du titre vient à dépasser sa valeur intrinsèque, il y a lieu de s’en départir.
3 – En période de crise, les baisses boursières tendent à être excessives
À court terme, les valeurs boursières fluctuent selon les émotions des investisseurs, partagées entre la peur et la cupidité. En période de crise, les réactions sont souvent excessives pour deux raisons :
a. L’aversion pour une perte est deux fois plus importante que la satisfaction causée par un gain,
b. Comme dans les périodes euphoriques, l’effet de groupe influence fortement le comportement des investisseurs (5).
4 – La diversification optimise le rapport risque-rendement
Plusieurs portefeuilles s’effondrent parce qu’ils ne sont pas adéquatement diversifiés.
Une structure de portefeuille explicite précise comment les titres doivent être répartis selon leur type et leur industrie, de même que la proportion qu’ils devraient représenter par rapport au total. Une telle structure fait en sorte qu’aucun type de titre, entreprise ou industrie ne représente une part excessive du portefeuille.
5 – Investir ne doit pas être une source d’excitation
Le célèbre investisseur George Soros disait : Si vous trouvez qu’investir est excitant, vous ne faites probablement pas beaucoup d’argent. Bien investir est ennuyeux.
À moins d’être chanceux, investir avec succès requiert 3 qualités : la persévérance, la prudence et la patience (6).
Investir n’est pas une tâche compliquée, mais cela oblige à pratiquer ces trois principes semaine après semaine, année après année, avec la constance requise.
Nul besoin d’affirmer que cette approche n’a aucune chance de procurer d’excitation à qui que ce soit.
6 – Les dividendes procurent un rendement réel
Des études ont démontré qu’à long terme, les titres à dividendes ont un:
® rendement supérieur à celui des principaux indices boursiers canadiens et américains
® coefficient de risque moins élevé que les autres titres (7).
La valeur intrinsèque d’un titre correspond aux flux monétaires actualisés qu’il produira. Ce calcul est un exercice aléatoire, parce qu’on essaie de prévoir le futur.
Mais il y a une différence entre anticiper des flux monétaires sous forme de gain en capital et sous forme de dividendes. Parce que le gain en capital est une conjecture, tandis que le dividende est une réalité. Le dividende est un gain en capital qu’on perçoit régulièrement tant qu’on demeure propriétaire du titre.
Le meilleur temps pour investir, c’est hier
En ces temps de crise boursière, rappelons-nous ceci :
Pour la période de 20 ans de janvier 2000 à décembre 2021, le rendement annuel de la bourse américaine a été de 7,6%. Pourtant, pour les 10 ans de janvier 2000 à décembre 2009, le rendement annuel a été de…0% ! Ce rendement nul est attribuable à l’importante crise boursière qui a résulté de la bulle technologique de l’année 2001.
On en retire une chose : le bonheur vient à qui sait attendre. Entretemps, on ne peut prédire l’avenir. Et il est inutile de perdre son temps à faire des prédictions, surtout à court terme (8).
Cela étant, les raisons d’être optimiste l’emportent (9).
C’est pourquoi la meilleure option est de demeurer investi à long terme dans les marchés boursiers, dans le cadre d’une structure de portefeuille explicite et permanente (10), en accord avec les 3P de PORTEFEUILLE 101.
__________________________________________________________________
(1) Quand la population mondiale va-t-elle commencer à diminuer?, InfoBref, 14 mai ’22.
(2) How virtual work is accelerating innovation, McKinsey & Co, June ’22.
(3) L’argent caché dans les conglomérats.
(4) L’article Le meilleur actif à détenir explique la notion de valeur intrinsèque et comment l’évaluer.
(5) L’essor de la finance comportementale
(6) Les 3 piliers de PORTEFEUILLE 101.
(7) Le rendement supérieur des titres à dividendes.
(8) La piètre valeur de prédictions boursières.
(9) Optimistes vs pessimistes : qui sont les gagnants?, Le temps : paramètre de rendement le plus important.
(10) La structure de portefeuille.
__________________________________________________________________
FAQ
,
Y’a-t-il des avantages à être pessimiste pour bien investir?
Une dose de pessimisme amène à être plus prudent et à éviter des pertes de valeur importantes. Les pessimistes auront tendance à éviter les investissements à la mode, comme les cryptomonnaies. Mais, le pessimisme peut limiter l’intérêt d’investir dans des sociétés innovantes.
.
Les marchés boursiers sont-ils irrationnels?
Selon Robert Shiller, prix Nobel d’économie, les investisseurs ne sont pas toujours rationnels. C’est la raison pour laquelle il peut être rentable de profiter de l’irrationalité des marchés, notamment des opportunités d’achat que cela crée.
.
Quel est le bon moment pour investir?
Le meilleur moment pour investir n’est pas quand le marché a baissé. Le meilleur moment pour investir est lorsque le marché est valorisé en dessous de sa valeur intrinsèque* et que vous disposez d’un horizon de rendement d’au moins 10 ans.
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.