L’essor de la finance comportementale

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Les émotions teintent le raisonnement et les choix de placements des investisseurs, même les plus rigoureux. À cause d’un rationalisme limité, ils doivent s’en remettre à des raccourcis cognitifs pour justifier leurs décisions financières. Il importe d’en prendre conscience pour savoir s’en protéger.


Les progrès de la finance comportementale

À lire les analyses publiées par la presse financière, on est portés à croire que les décisions d’investissement s’appuient sur une évaluation rationnelle de données financières et de faits objectifs. Les ratios financiers des entreprises, autant que les prévisions de croissance de l’économie et des taux d’intérêt, occupent une large part des analyses publiées par les journalistes spécialisés et les gestionnaires de portefeuille.

Or, des études en neurosciences révèlent que notre subconscient dicte nos principales décisions financières.

Des indices comportementaux suggèrent que plusieurs décisions de placement sont fondées sur une pensée irrationnelle issue du subconscient.

La finance comportementale consiste à étudier les facteurs psychologiques qui influent sur nos décisions financières. Ces facteurs concernent principalement notre perception des risques et la manière d’y réagir.

La succession de dysfonctionnements des marchés boursiers mondiaux a contribué à l’essor de la finance comportementale. L’objectif est de trouver réponse à des questions auxquelles la finance classique ne répond pas, notamment :

l’irrationalité des comportements individuels et collectifs des investisseurs,

l’incapacité d’anticiper les crises boursières,

l’absence d’explications crédibles pour expliquer ces crises.

Kent Baker, professeur à l’Université de Washington, souligne que « la plupart des investisseurs, même les plus rationnels, sont largement influencés par des émotions qui teintent leur raisonnement (1) ». La raison est qu’ils sont incapables d’absorber toute l’information disponible. En conséquence, ils ont recours à des raccourcis intellectuels pour prendre des décisions.

Ce constat remet en question des certitudes que l’on a toujours prises pour acquises.


Les champs d’intérêt de la finance comportementale

La finance comportementale porte entre autres sur l’analyse des biais cognitifs et émotionnels (2) et sur les moyens de les éviter.

Les biais cognitifs sont des schémas de pensée qui dévient de la pensée rationnelle. Ce sont des raccourcis intellectuels qui mènent à des jugements rapides, sans recourir à des raisonnements analytiques fondés sur un ensemble d’informations pertinentes.

Les biais sont utiles pour justifier des décisions parfois complexes. Mais ils sont souvent la source de jugements erronés.

On recense plus de 200 biais cognitifs. En matière d’investissement, voici cinq (5) biais typiques :

® Le biais de confirmation – Rechercher des données qui confirment une décision qui a déjà été prise.

® Le biais d’information – Évoquer de l’information accessible mais inutile.

® L’aversion excessive de perdre – Favoriser l’absence de pertes au détriment d’opportunités de gains.

® La tendance à la simplification excessive – Adopter un raisonnement simpliste pour justifier une analyse complexe.

® Le mimétisme – Justifier une décision parce qu’elle est endossée par la majorité (aussi appelé « effet de groupe »).

Connaître et comprendre l’incidence des biais cognitifs sur les décisions financières est la première étape à franchir pour élaborer un plan de gestion du patrimoine qui réponde aux besoins et objectifs de l’épargnant.


La finance comportementale prend le pas sur la finance classique

L’affirmation s’applique à l’investissement boursier effectué dans le cadre d’une stratégie fondamentale, comme celle que propose PORTEFEUILLE 101 (3).

À long terme, les titres boursiers sont valorisés en fonction de leurs données fondamentales. Dans cette optique (horizon à long terme), les données quantitatives essentielles que nous suggère la finance classique sont simples et relativement peu nombreuses (4).

À court terme, les données quantitatives sont moins importantes car le marché fluctue selon les sentiments des investisseurs. C’est dire que les facteurs subjectifs (émotions) ont une influence plus grande que les facteurs objectifs (données quantitatives).


Le rôle crucial d’un conseiller financier qualifié

Selon une étude publiée par le groupe Vanguard (5) en 2019, le coaching comportemental prodigué par un conseiller compétent est l’élément critique qui détermine le rendement d’un portefeuille de placements.

La société affirme qu’à long terme, les conseils de ses experts sont susceptibles d’augmenter les rendements annuels de 3%, rien de moins !

Une étude d’un autre cabinet financier, Russell Investments, appuie les prétentions de Vanguard. Russell souligne qu’un conseiller compétent peut augmenter les rendements annuels moyens de 3,75% (6).

Dans la même veine, un conseiller qui détient le titre de planificateur financier (7) est susceptible d’optimiser la gestion d’un patrimoine en répondant à des besoins qui touchent les sept (7) domaines de la planification financière:

L’évaluation des besoins financiers

La gestion des placements

Les assurances et la gestion des risques

La fiscalité

La planification successorale

Les obligations juridiques liées aux statuts professionnels et personnels

La planification de la retraite.

La valeur ajoutée d’un conseiller financier

Aujourd’hui, la valeur ajoutée d’un conseiller n’est pas seulement de prodiguer des conseils sur la constitution d’un portefeuille. À la limite, un robot-conseiller pourrait faire ce genre de travail.

Un conseiller doit être un coach comportemental.

Comme les bons joueurs de poker le savent, les gens qui ont peur n’agissent pas avec logique. Ils réagissent avec leurs émotions. Les meilleurs conseillers financiers sécurisent leurs clients en leur montrant comment garder le cap et agir en se basant sur les faits et les données pertinentes.

Ils apportent une contribution décisive en protégeant leurs clients des conséquences néfastes causées par des biais cognitifs. Par exemple :

L’aversion excessive de perdre

L’aversion pour une perte est deux fois plus importante que la satisfaction causée par un gain. Lorsque le portefeuille perd de la valeur de façon significative, ce biais suggère à l’amateur de sortir du marché.

Le conseiller aide son client à réévaluer le portefeuille en rappelant deux choses :

® une baisse de valeur marchande d’un titre ne correspond pas nécessairement à une baisse de valeur intrinsèque ;

® à long terme, les probabilités de rendement positif sont beaucoup plus élevées que les probabilités de perte.

Le mimétisme

Il est tentant de se ranger à l’opinion de la majorité.

C’est ce que font la plupart des investisseurs. En effet, ce ne sont pas les événements (aussi tragiques puissent-ils être) qui créent les débâcles boursières. C’est la façon avec laquelle les investisseurs y réagissent. La seule raison qui fait que les cours chutent est qu’une majorité d’investisseurs liquident leurs positions.

Le mimétisme n’est pas animé par la rigueur du raisonnement. Il procède d’émotions, notamment la peur et la cupidité. Alexis de Tocqueville écrivait : « Les Américains sont tellement épris d’égalité qu’ils préfèrent être égaux dans l’esclavage qu’inégaux dans la liberté. »

Le rôle du conseiller est de replacer les faits dans leur contexte.

Il rappelle que la valeur intrinsèque des titres doit être supérieure à leur valeur marchande (8). Lors d’un effondrement des cours, il y a de bonnes chances que la marge de sécurité soit encore plus grande. Auquel cas, cela peut même créer l’occasion d’acquérir à rabais des titres de qualité.

La tendance à la simplification excessive

Pour comprendre des situations complexes, les humains recherchent des explications simples. La réalité est que certaines questions sont intrinsèquement complexes et n’appellent pas des réponses simples. Il n’est pas possible de formuler des réponses précises lorsque les causes ou les symptômes sont incertains.

Ainsi, des gens prennent de mauvaises décisions en matière de placements parce qu’ils simplifient à outrance l’analyse de situations complexes.

Un conseiller compétent se distingue de deux façons :

1 – Il reconnaît les événements qu’on ne peut expliquer ou interpréter aisément.

Il utilise son jugement professionnel pour décider, avec son client, des mesures à prendre pour y donner suite, le plus objectivement possible.

La débâcle boursière de février 2020 causée par une pandémie mondiale est un exemple d’événement dont les conséquences étaient fort incertaines à ce moment.

2 – Il structure ses portefeuilles de façon à minimiser les incertitudes

Le conseiller bâtit ses portefeuilles en évitant d’investir dans des entreprises qui ne démontrent pas un historique de rentabilité crédible ainsi qu’une saine situation financière. Il n’investit dans des industries émergentes que par le biais de grandes entreprises rentables qui elles-mêmes investissent dans des projets innovateurs.

Cela évite (à lui et à son client) de devoir comprendre les modèles d’affaires et les perspectives de sociétés en démarrage dont l’avenir est incertain au départ.

L’importance de connaître son client

Le conseiller doit aller bien au-delà des questionnaires standards que les autorités règlementaires l’obligent à compléter.

Son objectif est de saisir la personnalité financière de son client. Par exemple :

® son horizon de rendement,

® sa propension à prendre des risques,

® sa tolérance à subir des pertes,

® sa tendance à réagir de façon instinctive vs rationnelle,

® l’importance de comparer sa performance à un barème de référence,

® son intérêt pour les concepts innovateurs,

® le besoin d’être informé, consulté ou conforté.


Conclusion

Les gens ne sont pas aussi rationnels que le prétend la théorie financière traditionnelle.

La finance classique part du principe que les marchés sont efficaces. Cela suppose que les investisseurs disposent des données pertinentes pour évaluer une entreprise. Tant que tous les acteurs du marché connaissent les mêmes informations, il existe une méthode logique pour déterminer la valeur du marché.

Quiconque a traversé des crises boursières sait que ce n’est pas vrai. En fait, les comportements irrationnels ne sont pas des anomalies ; ils sont monnaie courante.

Une constante historique ressort :

® à long terme, les marchés financiers sont évalués sur la base de leurs données fondamentales.

® à court terme, les marchés fluctuent selon les sentiments des investisseurs, partagés entre la peur et la cupidité.

C’est là que prend toute l’importance d’un conseiller financier compétent. Loin de déresponsabiliser l’investisseur, le conseiller transmet ses connaissances aux clients qui souhaitent assumer leurs choix d’investissement.

Le meilleurs conseillers ont une écoute exceptionnelle. Ils prennent soin de connaître les préoccupations, les espoirs et les objectifs de leurs clients.

Guide comportemental et guide émotionnel, le conseiller financier empêche son client de tomber dans les affres de biais cognitifs, sources principales des déboires boursiers.

Il rappelle sans cesse le pouvoir des trois piliers de succès à la bourse comme dans la vie :

Persévérance – Prudence – Patience

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(0)

(1) Miser sur le soutien comportemental, Finance & Investissement.
(2) Dans cet article, le terme biais cognitifs inclut également les biais émotionnels.
(3) Voir La supériorité des stratégies fondamentales.
(4) Voir Choisir et évaluer un titre.
(5) The Advisor’s Alpha, Vanguard, 2019
(6) Is It Worth the Money to Hire a Financial Advisor, The Balance, Oct ‘21
(7) Planificateur financier est le seul titre reconnu par l’AMF* donnant droit d’offrir des conseils dans les 7 domaines énumérés ici.
(8) Le meilleur actif à détenir



.FAQ

 

Comment gérer les biais cognitifs?

La première étape est de prendre conscience de nos biais cognitifs. La seconde étape est d’identifier dans quelles circonstances ils nuisent à notre jugement. La troisième est de chercher conseil auprès d’un professionnel pour déterminer les meilleurs façons de s’en protéger.

 

Comment faire une planification financière?

Pour tirer le meilleur parti d’une planification financière, on suggère de faire appel aux services d’un conseiller qui détient le titre de planificateur financier. Ce dernier sera en mesure de déterminer quels aspects de planification financière doivent être analysés en priorité.

 

Quel est l’impact de la finance comportementale sur la volatilité des marchés?

La finance comportementale étudie l’impact de la psychologie cognitive pour expliquer le comportement des investisseurs. Ses conclusions illustrent comment les biais cognitifs peuvent entraîner une volatilité excessive et irrationnelle des cours boursiers.

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