La Voie du Milieu
Partout dans le monde, une tendance se dessine : les opinions et les positions extrêmes font de plus en plus d’adeptes. L’univers boursier n’y échappe pas; mais ce n’est pas dans ces parages que résident les véritables solutions.
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Des perceptions contraires d’une même réalité
Depuis quelques années, les opinions et les positions extrêmes font de plus en plus d’adeptes dans plusieurs domaines. La montée des partis d’extrême-droite en est l’exemple le plus visible. Ce qui distingue ces mouvements c’est le recours à des raisonnements simplistes, sans nuances. On refuse de reconnaître que le monde est complexe parce qu’il y a trop de facteurs qui interagissent. Face à des situations complexes, on valorise des solutions uniques, faciles à comprendre, faciles à vendre, facile à mettre en œuvre.
L’univers boursier n’y échappe pas.
Depuis l’apparition de la pandémie, on vit dans un purgatoire duquel on aimerait bien sortir grâce à des solutions simples. Il n’y a pas de consensus sur la marche à suivre au sein de la communauté des investisseurs. Différents groupes ont développé des vues opposées des risques et des opportunités qui se dessinent.
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♦ Le scénario paradisiaque :
* L’inflation redescend pour atteindre le taux-cible de 2%,
* Les taux d’intérêt poursuivent leur descente en même temps que celle de l’inflation,
* Les déséquilibres s’estompent entre le nombre de postes à combler et le nombre de travailleurs disponibles,
* Le nouvel équilibre entre l’offre et la demande de travail produit un taux de chômage idéal, soit environ 4%,
* Les entreprises améliorent leur rentabilité, conséquence de coûts de financement réduits,
* Les gouvernements équilibrent leurs budgets.
* Les marchés boursiers montent, dopés par la baisse des rendements obligataires et l’expansion des multiples (1).
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♦ Le scénario catastrophe :
* L’inflation refuse de descendre (pire elle remonte) en raison des problème géopolitiques et des cataclysmes,
* On assiste à de nouvelles hausses des taux d’intérêt pour combattre une inflation persistante,
* La consommation intérieure diminue, conséquence de taux d’intérêt et de coûts de logement trop élevés,
* Les résultats des entreprises pâtissent d’une baisse de la consommation et de coûts de financement excessifs,
* Les déficits des gouvernements deviennent endémiques, accompagnés d’une hausse de l’endettement,
* La récession s’installe,
* Les marchés boursiers plongent.
Deux cabinets financiers renommés ont des vues opposées pour 2024
Goldman Sachs Research prévoit que l’indice S&P 500* terminera l’année avec un gain de 5 % et un rendement global de 6 % incluant les dividendes. L’hypothèse de base est que l’économie américaine continue de croître à un rythme modeste et évite une récession, que les bénéfices augmentent de 5 % et que la valorisation du marché des actions est égale à 18x, proche du niveau cours/bénéfice actuel (2).
JP Morgan oppose une vue contraire, prédisant que l’indice S&P 500 chutera de 8% en raison d’une croissance mondiale ralentie, de l’épargne des ménages qui s’effrite et d’une situation géopolitique risquée (3). Le cabinet ajoute que le risque d’entrer en récession est maintenant de 25%.
Entre les extrêmes, il y a ceux qui n’osent pas conclure
Puis, il y a ceux qui se situent au milieu, incertains de ce que réserve l’avenir des toutes prochaines années.
Ils ne croient pas qu’on aura une crise majeure, comme celle qui a suivi l’éclatement de la bulle internet de 2000 ou comme la crise des subprimes de 2008.
Ils jugent que plusieurs pans de l’économie se sont stabilisés. Le monde a réussi à naviguer au travers des désordres, de la pandémie, des cataclysmes climatiques et des guerres des dernières années. Les entreprises et les gouvernements ont même appris de ces épreuves pour revenir plus forts.
D’autre part, ils savent qu’on ne reviendra pas aux belles années d’avant Covid, marquées par des taux d’intérêt nuls et un crédit quasi illimité.
Ils sont incapables de prédire la performance de l’économie, encore moins comment les investisseurs vont se comporter l’année prochaine.
De toute manière, ils n’ont cure de savoir ce que fera la bourse en 2024 et 2025. Mais ils gardent confiance que les marchés vont continuer leur inévitable progression au cours de la prochaine décennie.
La fête est terminée. Mais la maison tient toujours debout.
La Voie du Milieu est la seule qui reconnaît la réalité des choses
On sait déjà que les prévisions boursières ont peu à voir avec les prévisions économiques (4).
C’est pourquoi, elles n’ont souvent d’intérêt que pour leurs auteurs (5). Mais lorsque deux cabinets renommés se contredisent, il est encore plus difficile d’y accorder quelque importance!
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Ne soyez ni pessimistes ni rêveurs.
Le pessimiste n’investit pas parce que l’exercice est trop risqué. Quelquefois, il se justifie en disant qu’il n’y connaît rien. Il conforte sa décision de ne pas investir en adoptant une vision apocalyptique de l’avenir des marchés. Ses avoirs sont investis dans des instruments financiers (dépôts, obligations, etc.) qui produisent des rendements faméliques.
Le rêveur aspire à des succès immédiats. Il investit comme il joue au casino. Il transige des titres de façon impulsive, sans analyse, inspiré par les discours d’experts autoproclamés. Il est convaincu de détenir la recette pour réaliser des gains rapides. Jusqu’au jour où ses rêves s’évanouissent, le laissant plus pauvre qu’avant.
Au plan financier, les vues extrêmes n’ont pour seul résultat que d’appauvrir leurs disciples.
Le succès en bourse repose sur des principes qui n’ont rien d’excitant mais qui ont passé le test du temps :
♦ une approche fondée sur les 3 piliers de PORTEFEUILLE 101,
♦ une structure de portefeuille explicite.
Des principes qui promeuvent la Voie du Milieu.
Comme la vérité, personne n’aime la liberté pour elle-même. Mais, par l’impossibilité des extrêmes, on y revient toujours.
(Ernest Renan)
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(1) La baisse des taux d’intérêt entraîne normalement une hausse des ratios cours-bénéfice* auxquels se transigent les titres boursiers.
(2) 2024 Global Equity Outlook, Goldman Sachs.
(3) JPMorgan counters Wall Street’s general optimism, Fortune, Nov 29 ’23.
(4) La bourse et l’économie sont deux univers différents.
(5) Quand les conjectures valent le prix du papier.
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FAQ
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Qu’est-ce que la Voie du Milieu ?
La Voie du Milieu est la position fondamentale du bouddhisme. C’est la voie de la sagesse, qui évite l’attachement aux extrêmes. Elle mène à l’éveil et libère de la souffrance.
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Qu’est-ce qu’une récession ?
Une récession se produit lorsque l’économie (i.e. le PIB*) se contracte durant deux trimestres consécutifs. La durée d’une récession peut varier, mais elle s’étend habituellement sur deux à quatre trimestres.
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Y’a-t-il des signes annonciateurs d’une récession ?
L’inversion de la courbe des taux d’intérêt, des mises-à-pieds massives et une hausse marquée de l’endettement public et privé sont des signes qu’une récession est en vue.
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.