Le temps des bonnes nouvelles
On est presque gênés de parler de bonnes nouvelles. À voir ce que nos médias relatent chaque jour, nul doute qu’un journaliste conclurait ici que nous ne connaissons rien en matière de nouvelles « importantes ». Pourtant, pour peu qu’on porte attention, il y a plus de bonnes nouvelles que nécessaires pour remplir un journal.
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Une attirance vers les mauvaises nouvelles, alimentée par les médias
Lorsqu’on lit les nouvelles, on a facilement l’impression que les seules choses qu’il importe de savoir sont les événements malheureux. Un éminent psychologue (1) avance une explication: inconsciemment, nous sommes attirés par les nouvelles négatives.
Les électeurs américains estiment que l’économie américaine se détériore à plusieurs niveaux (notamment l’emploi et l’inflation) et sont pessimistes quant à l’évolution de la situation au cours des 12 prochains mois (2).
Une étude menée dans 60 pays révèle que la plupart des gens croient que la moralité est en déclin dans le monde. Selon l’avis général, l’honnêteté et l’éthique sont dans une spirale descendante (3). Le plus intéressant est que cette conviction est constante depuis les 70 dernières années!
Le biais de négativité* serait une des causes principales de ce phénomène. Comme si ce n’était pas suffisant, la conviction que les choses vont mal est renforcée par un autre biais cognitif : le biais de disponibilité*.
Les médias en sont conscients. Est-il surprenant qu’ils mettent l’emphase sur les désastres, les guerres et les scandales? « If it bleeds, it leads (4).
Pourtant, plusieurs faits laissent à penser que le monde s’améliore
La combinaison du biais de négativité* et du biais de disponibilité* prédispose à voir un monde qui se détériore de jour en jour. C’est comme faire un pas en avant et deux pas en arrière.
Au-delà de ce que nous percevons (alimenté par ce que les médias choisissent de relater), plusieurs faits suggèrent que le monde se porte mieux qu’avant. Quelques exemples :
1 – La mortalité infantile n’a jamais été aussi basse
En 3 décennies, la mortalité infantile (décès d’enfants de moins de cinq ans) a diminué de plus de 50%, passant de 12,5 millions en 1990 à 5,2 millions en 2019 (5).
2 – Les catastrophes naturelles sont moins meurtrières
Alors que 2023 et 2022 ont été marquées par une multitude de feux de forêts et d’inondations, on peut conclure aisément que les catastrophes naturelles atteignent des niveaux extrêmes.
Mais qu’en est-il du nombre de décès ?
Jusqu’au milieu du XXe siècle, le nombre annuel de décès dus aux catastrophes atteignait souvent plus d’un million.
Selon l’organisme Our World in Data, le nombre annuel de décès dus aux catastrophes est maintenant de l’ordre de 10 000 à 20 000 personnes. Dans les années les plus meurtrières depuis 1960, le nombre de décès n’a jamais dépassé 500 000.
Les catastrophes ne sont pas moins fréquentes ou destructrices. Mais les gouvernements et les organismes dédiés sont mieux équipés pour y faire face.
3 – Le taux de pauvreté est en chute libre
Il y a 200 ans, 85 % de la population mondiale vivait dans l’extrême pauvreté. Il y a 20 ans, la proportion était de 29%. En 2015, dernière année de données disponibles, moins de 10 % de la population vivait sous le seuil de la pauvreté (6).
4 – La croissance des énergies renouvelables bat des records
La crise énergétique mondiale a déclenché une course à finir en faveur des énergies renouvelables. Le monde s’apprête à ajouter autant d’énergie renouvelable au cours des 5 prochaines années qu’il ne l’a fait au cours des 20 dernières années (7).
5 – Une proportion significative de la population vit en démocratie
Durant la plus grande partie de l’histoire de l’humanité, les gens ont vécu sous des régimes oppressifs et non démocratiques.
À l’heure actuelle, environ la moitié de la population humaine vit dans une démocratie. Parmi ceux qui vivent encore sous des régimes autocratiques, la majorité se trouve en Chine. Bien que le pays semble consolider son régime totalitaire, il y a des raisons de croire que la poursuite de son développement économique exigera que le pays adopte, à terme, des règles de gouvernance démocratiques (8).
6 – Le taux d’alphabétisme augmente sans cesse
Au début du 19e siècle, 12% de la population pouvait lire et écrire. Aujourd’hui, la proportion est de 83% (9).
7 – Des dizaines d’améliorations sociales ont vu le jour
Les droits des travailleurs, des femmes et des groupes LGBT ont été renforcés. L’accès universel aux soins de santé se développe. Les lois qui protègent l’environnement sont plus sévères et surtout plus inclusives.
Plusieurs problèmes qui auparavant étaient gardés secrets, sont maintenant dévoilés parce qu’il existe maintenant une foule d’outils qui permettent de capter et de diffuser l’information quasiment en temps réel. Un exemple est la mise en accusation médiatisée d’un policier de Minneapolis qu’un citoyen avait filmé alors qu’il procédait à l’arrestation musclée d’un citoyen (10). Un tel événement serait probablement passé inaperçu il y a 10 ans.
Des nouvelles économiques récentes portent à l’optimisme
Jusqu’ici on a parlé de tendances historiques qui pointent vers un monde meilleur.
Mais, plus près de nous, les nouvelles économiques courantes sont-elles bonnes? Voyons un peu :
1 – Le taux de chômage atteint des creux records et les salaires s’accélèrent
À fin octobre 2023, le taux de chômage au Canada était inférieur à 6%. Même si le chiffre est légèrement plus élevé qu’à pareille date en 2022, il est largement sous la moyenne historique de 8,1% (11).
Au cours des 2 dernières années, l’inflation a été supérieure aux augmentations salariales. Mais considérant que l’inflation se situe actuellement autour de 3%, force est de constater que la croissance actuelle des salaires avantage maintenant les Canadiens (12).
2 – La productivité est en hausse
Les Américains produisent plus de biens et de services pour chaque heure travaillée. Au 3e trimestre 2023, l’augmentation s’élève à presque 5% (13).
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement causées par la pandémie disparaissent.
Les employeurs ont eu le temps d’intégrer et de former les travailleurs ajoutés en 2021 et 2022. Ce faisant, ils ont pu réaffecter la main-d’œuvre à des tâches plus productives.
Cela témoigne que plusieurs choses se remettent à fonctionner dans l’économie.
3 – La crise bancaire qui se dessinait ne s’est pas produite
Au printemps 2023, l’effondrement de la Silicon Valley Bank et de deux autres grandes banques régionales annonçait l’imminence d’une crise bancaire qui risquait d’étouffer le marché du crédit aux États-Unis.
Rien n’est arrivé. Il n’y a pas eu d’autres faillites bancaires majeures et le marché du crédit corporatif est resté stable. Le volume des prêts commerciaux se maintient par rapport à l’année précédente (14).
4 – Le prix du pétrole se stabilise
Avec la crise de l’énergie déclenchée par la guerre russo-ukrainienne, d’aucuns craignaient que le prix du pétrole ne s’envole. Le prix a grimpé pendant quelques mois, mais il est redescendu. Le prix du baril est revenu à son niveau de septembre 2021. Et ce, malgré la réduction des volumes produits par la Russie et l’Arabie Saoudite.
Quel est l’impact des bonnes et mauvaises nouvelles sur la bourse?
À court terme, deux sentiments guident le comportement des investisseurs: la peur et la cupidité. Ces sentiments sont largement dictés par des réactions plus ou moins spontanées aux nouvelles relayées par les médias. Ces réactions sont elles-mêmes amplifiées par des comportements stéréotypés qu’on associe à des biais cognitifs*, ce qui contribue à rendre les marchés encore plus volatils.
Il se crée alors des écarts significatifs entre la valeur marchande et la valeur intrinsèque* des titres boursiers. Ces écarts peuvent créer des opportunités d’achat à celui qui investit avec un horizon de rendement à long terme, dans le cadre d’une approche fondamentale (15)
Car, à long terme, ce sont les marchés boursiers qui offrent le meilleur rendement:
Le verdict est sans appel.
On doit conclure deux choses:
1 – Le choix de ce qui est important appartient à chacun d’entre nous
Il existe probablement autant de bonnes que de mauvaises nouvelles. À chacun de décider auxquelles il donnera l’importance qui convient.
2 – En matière de placements, la bourse demeure la meilleure alternative
C’est une stratégie perdante que d’entrer et sortir du marché boursier en se basant sur toutes sortes de nouvelles dont les évaluations boursières tiennent déjà compte. La ruée vers les titres de marché monétaire en est le parfait exemple. Soucieux de « protéger » leur capital devant une soudaine avalanche de mauvaises nouvelles, des investisseurs ont sacrifié des opportunités de rendements exceptionnelles offertes par les titres boursiers (16)
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Que voilà une raison de plus pour rechercher et donner de l’importance aux événements heureux, ceux qui nous redonnent espoir que notre monde continue, malgré tout, de devenir meilleur.
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(1) Tom Stafford (PhD), professeur de psychologie à l’Université de Sheffield (UK) et auteur du livre Mind Hacks.
(2) Registered voters are feeling pessimistic about the state of the U.S economy, Ipsos, November ’23.
(3) The illusion of moral decline, Adam Mastroianni, 2023.
(4) « Les mauvaises nouvelles retiennent l’attention ». Un axiome populaire dans le domaine journalistique.
(5) Items 1,2 – Source EuroNews, Juillet ’22.
(6) 50 Ways the World is Getting Better, A Wealth of Common Sense, April ’23.
(7) Renewable power on course to shatter more records, IEA, June ’23.
(8) Seven reasons why the world is improving, BBC, Feb ’22.
(9) 50 Ways the World is Getting Better, A Wealth of Common Sense, April ’23.
(10) L’affaire George Floyd.
(11) Ycharts, October ’23.
(12) Wage gains are running around 5%, Globe & Mail, Nov ’23.
(13) US Productivity Grows by Most Since 2020, Bloomberg, Nov ’23.
(14) Axios Macro, Nov 22 ‘23
(15) La supériorité des stratégies fondamentales
(16) Les actions privilégiées : pour un rendement supérieur à moindre risque et Les BDC : un placement à remettre à l’ordre du jour
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FAQ
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Quels sont les traits distinctifs du biais de négativité?
Comme d’autres biais cognitifs, le biais de négativité est inconscient et automatique. Selon certains psychologues, il ne peut pas être supprimé. En revanche, il est possible d’en limiter l’effet en agissant de manière à ne pas laisser son cerveau primitif prendre possession du problème.
Comment mesure-t-on le taux de pauvreté?
Pour mesurer l’évolution de la pauvreté dans le monde, la Banque mondiale a établi en 1990, un seuil de pauvreté mondial, utilisé essentiellement dans les pays en développement. Il est calculé sur la base du seuil de pauvreté moyen des pays les plus pauvres du monde.
Quel est l’impact des technologies sur la croissance économique ?
Les nouvelles technologies ont pour but d’accroître la productivité des entreprises, en augmentant la fiabilité et la rapidité des processus d’exploitation.
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.