La règle d’or de l’investissement
Personne n’aime perdre de l’argent. Le problème, c’est qu’on ne sait pas ce que « perdre » veut dire. Définir ce terme est la première étape pour décider des mesures qui permettront d’éviter le pire.
Un trait commun entre les sports risqués et la gestion de portefeuille
Il y a un trait commun entre le parachutisme et la boxe. : la première chose qu’on enseigne au néophyte est comment prévenir un accident ou une blessure.
Chez les parachutistes, ce sont les procédures de sécurité qui doivent être appliquées uniformément dès le premier saut…et pour les milliers qui suivront. Apprendre à faire des sauts périlleux vient plus tard.
Chez les boxeurs de compétition, c’est de savoir se protéger des coups. Gagner des combats est une étape ultérieure.
Il en va de même chez les grands investisseurs. Si vous leur demandez leur recette pour faire de l’argent, vous aurez autant de réponses que d’investisseurs. Mais une même règle de base: ne pas perdre d’argent.
Ray Dalio (Bridgewater)
Les pertes majeures sont rarement compensées par des gains; c’est pourquoi elles doivent être évitées à tout prix.
Jim Rogers (Quantum Fund)
Quand j’achète quelque chose, je m’assure que le risque de perte est faible. Si je me trompe, je ne devrais pas perdre beaucoup d’argent.
Warren Buffett (Berkshire Hathaway)
Règle #1 : ne jamais perdre d’argent ; règle #2 : ne jamais oublier la règle #1.
Mario Gabelli (Gabelli Asset Management)
La première règle de la vie : ne pas perdre d’argent.
Jonathan Sokoloff (1) (Leonard Green Partners)
On a appris notre leçon chez Drexel : limitez vos risques et ne perdez pas d’argent.
Mark Lasry (Avenue Capital Group)
Une fois assurés que notre risque de perte est limité, nous évaluons notre potentiel de profit.
David Einhorn (Greenlight Capital)
Il faut éviter de perdre. Parce que ça prend un tel profit juste pour revenir au point de départ.
Perdre : ça veut dire quoi ?
Pour réaliser ce que « perdre » veut dire, il faut considérer deux éléments qui en altèrent la définition.
1 – Le temps atténue le risque de perte
On peut calculer une perte sur différents espaces de temps.
Ainsi, l’investisseur qui accorde beaucoup d’intérêt aux fluctuations journalières de son portefeuille est constamment préoccupé par l’imminence (avérée ou hypothétique) d’une baisse des marchés boursiers.
Il voit dans son portefeuille le petit cochon de son enfance, un véhicule dans lequel on accumule de l’argent qui ne rapporte rien (2). Sa seule valeur est représentée par l’argent qui y est déposé.
On comprend que sa priorité soit de préserver la valeur marchande de son portefeuille à tout moment. Il aura tendance à éviter les placements dont la valeur est appelée à fluctuer dans le temps. Comme c’est le propre de l’investissement boursier, il sera réticent à y placer ses économies.
En revanche, l’adepte de l’approche fondamentale analyse le rendement de son portefeuille sur un horizon de temps plus long. Il se focalise sur une valeur qu’il bâtit à mesure que le temps passe, plutôt que sur une valeur marchande quotidienne. Ce faisant, il :
® comprend que plus le temps passe, plus les titres boursiers tendent à prendre de la valeur,
® profite des fluctuations pour accumuler de nouvelles positions ou, le cas échéant, en liquider.
Les pertes boursières sont inévitables. Mais, plus l’horizon de temps est long, plus elles sont rares.
2 – Le rendement est la première source de création du capital
Selon l’approche conventionnelle, le risque duquel il faut se protéger est celui de perdre le capital investi.
Or, un rendement médiocre entraîne un manque à gagner qui se cumule à chaque année. Ce manque à gagner constitue une perte de capital. Plus longue est la période de détention de titres dont le rendement est médiocre, plus la perte de capital sera importante.
En ce sens :
® La valeur d’un titre est égal à la valeur actualisée de ses flux monétaires futurs.
® Le rendement sur le capital représente une création de capital.
® Sur plusieurs années, le rendement du capital devient supérieur au capital investi au départ.
À long terme, la priorité est de protéger le rendement du portefeuille.
Un krach boursier va-t-il se produire ?
Il ne manque pas d’experts pour annoncer qu’un krach boursier est imminent. Dans deux articles précédents, nous avons donné de nombreux exemples de prédictions boursières formulées par d’éminents experts au cours des dernières années (3).
La conclusion est accablante : aucun n’arrive à prédire le comportement du marché avec la constance qui permettrait de s’y fier. Autrement dit, des experts prédisent des krachs, sans en préciser le moment approximatif. D’autres se risquent à dire quand mais ils se trompent quasiment toujours.
Un krach boursier va-t-il se produire ? La réponse est oui. Mais comme personne ne sait quand il se produira, la question est inutile.
Moins de gens seraient préoccupés par l’imminence d’un krach s’ils étaient en mesure de répondre positivement à la vraie question :
Mon portefeuille est-il structuré pour minimiser l’impact d’une débâcle boursière ?
La résilience du portefeuille lors de débâcles boursières
La première chose dont il faut être conscient, c’est que toutes les débâcles boursières se sont produites alors qu’on ne s’y attendait pas. Cela tombe sous le sens car « si on avait su, on s’en serait passé » (4) !
Soyez assurés qu’il en sera de même pour toutes celles qui viendront.
Ce qu’il ne faut pas faire : sortir du marché
Pour se protéger contre l’imminence d’une débâcle (qu’on imagine), une mauvaise solution est de sortir du marché. Pour 3 raisons :
→ Comme on est incapable de prédire ce qui va arriver, on ne sortira pas au bon moment ;
→ Étant sorti sans savoir ce qui allait arriver, on ne saura pas davantage quand ce sera le temps de revenir;
→ En vendant nos titres à dividende, on se prive d’un revenu constant, possiblement important.
Ce qu’il faut faire : minimiser l’impact de pertes potentielles
On doit toujours anticiper qu’une débâcle boursière se produira. C’est une constance de l’histoire.
Et la première préoccupation de l’investisseur doit être de minimiser l’impact de pertes boursières éventuelles. “Look down before you look up” (5).
Pour deux raisons.
Primo – Le gain nécessaire pour combler une perte est proportionnellement plus important que la perte elle-même. Exemple : je réalise une perte de 25% sur un placement dont le coût est 100$, soit 25$. Pour regagner le capital perdu, je dois réaliser un gain de 33%, soit 25$ sur 75$.
Secundo – Il est plus « facile » de perdre de l’argent que d’en gagner. On peut perdre pour plusieurs raisons : assouvir un désir de gain rapide, se fier aux recommandations de gens non qualifiés, ne pas prendre le temps d’analyser le titre convoité, etc. On peut même perdre en raison de circonstances fortuites qu’une analyse sérieuse n’aura pas prévues.
La solution : une structure de portefeuille explicite et permanente
Une structure de portefeuille explicite et permanente (6) est la solution qui permet de minimiser l’impact des débâcles boursières (qui se produiront inévitablement), tout en assurant un rendement du portefeuille supérieur à long terme.
Une telle structure :
1 – précise les catégories de titres, les secteurs, les devises et la quote-part que chacun représente,
2 – prévoit une diversification du capital entre des placements faiblement corrélés,
3 – tient compte de l’horizon de rendement et de la taille du portefeuille,
4 – procure un équilibre entre des placements à haut et à faible risque,
5 – surpondère les titres à dividende,
6 – alloue une partie du capital à des entreprises incontournables.
Une structure explicite simplifie les décisions d’investissement. Elle empêche l’investisseur de prendre des décisions impulsives, donc irrationnelles (7).
Conclusion
Il ne faut pas voir son portefeuille comme un capital statique, comme le « petit cochon » de son enfance. C’est plutôt un outil dynamique, un terreau fertile capable de produire de l’argent.
Cependant, le vrai test des stratégies de portefeuille, ce sont les rendements qu’on réalise lorsque les marchés plongent.
Toujours garder en tête que n’importe quel placement peut perdre de la valeur. D’où l’importance de s’assurer que, le cas échéant, ceci aurait un impact négligeable sur l’ensemble de notre capital.
À cette fin, il ne sert à rien de se perdre en conjectures sur la direction probable des marchés boursiers. Comme investisseurs amateurs, on répète ce qu’on entend (ou plutôt ce qu’on choisit d’entendre, tant les opinions sont variées).
La solution : adopter une structure de portefeuille explicite et permanente. Avoir la discipline d’investir dans ce cadre crée des automatismes qui simplifient les décisions de vente et d’achat de titres.
Cela évite surtout de prendre des décisions dictées par la peur ou la cupidité. Décisions qui, ultimement, entraînent plus de pertes que de gains.
(1) Dans les années ’80, Sokoloff a été VP de Drexel Burnham Lambert , la firme à l’origine des achats par endettement et des obligations spéculatives (junk bonds).
(2) Voir Initier son enfant à la bourse
(3) La piètre valeur des prédictions boursières et Prédire le marché : un exercice passionnant…et inutile
(4) Le top des achats inutiles, La mariée en colère, 2016
(5)Jim Rogers, associé de George Soros et co-fondateur de Quantum Fund.
(6) Voir La structure de portefeuille
(7) Voir Pourquoi l’investisseur a un rendement inférieur au marché
FAQ
Pourquoi les gens perdent à la bourse ?
Des gens perdent pour deux raisons : soit qu’ils ne prennent pas le temps d’analyser correctement le risque et le rendement potentiel des titres qu’ils acquièrent, soit qu’ils investissent sans avoir une structure de portefeuille explicite et permanente.
Comment commencer à investir en bourse ?
Le CELI est le véhicule idéal pour constituer son premier portefeuille de placements. Verser un montant initial d’au moins 500 $, permet d’ouvrir une position dans la plupart des fonds de placements. Par la suite, on s’engage à verser un montant fixe à chaque mois.
Comment évaluer le risque d’un placement ?
La volatilité est l’indicateur principal utilisé pour évaluer le risque d’un placement. Le bêta* donne cette information. D’autres indicateurs utiles sont le ratio cours-bénéfice*, le ratio d’endettement* et le taux de distribution du dividende*.
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.