Les précieuses leçons de Cathie Wood et Ark Invest

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Un événement de 2021 nous rappelle qu’à la bourse, les promesses de gains exceptionnels sont des miroirs aux alouettes. Il existe des stratégies alternatives qui visent des objectifs ambitieux mais beaucoup moins risqués que celles de Cathie Wood et des fonds Ark.


Des gestionnaires vedettes font les manchettes à chaque période de l’histoire

À diverses époques, des gestionnaires financiers se sont distingués par des performances boursières hors du commun:

® John Templeton 1930 à 1960

® Benjamin Graham 1930 à 1960

® Warren Buffett 1965 à 1990

® Peter Lynch 1977 à 1990

® George Soros 1970 à 2000

Avec chacun leurs principes et leur style :

®  John Templeton (Templeton Growth Fund)

Acheter un grand nombre de titres d’entreprises négligées, sachant que les gagnants paieront pour le reste.

® Benjamin Graham (Graham-Newman Fund)

Savoir analyser les états financiers et n’acheter que les titres qui offrent une marge de sûreté.

® Warren Buffett (Berkshire-Hathaway)

Investir à bon prix et à très long terme dans des entreprises bien gérées, dont les produits sont faciles à comprendre. N’accorder aucune importance aux prédictions boursières.

® Peter Lynch (Fidelity Magellan Fund)

Prendre son temps pour trouver les entreprises exceptionnelles, porter attention à la qualité de la direction. Pratiquer l’humilité. Ne jamais tenter de prédire le comportement de l’économie.

® George Soros (Quantum Funds)

Connaître les grandes tendances macro-économiques pouvant affecter le prix des obligations et des matières premières.


Cathie Wood et les fonds ARK Invest

Voilà qu’en 2020, une gestionnaire vedette sort de l’ombre. Cathie Wood, qui préside aux destinées de la famille des fonds ARK, réalise une performance hors du commun. Son fonds le plus important, Ark Innovation ETF, a produit un rendement net de 153%, soit quatre fois le rendement de son indice de référence (1). Un autre fonds, ARK Genomic Revolution (ARKG), a dégagé un rendement de 180%!

L’événement a pris d’autant plus d’importance qu’on assiste à la popularité croissante des fonds indiciels depuis 20 ans. Selon plusieurs, la raison serait justement que la majorité des gestionnaires n’arrivent pas à battre leurs indices de référence.

Mais d’autres raisons nourrissent la popularité de Cathie Wood. Certains la considèrent comme la déesse des marchés financiers (2). Elle-même a déclaré qu’elle répondait à un appel de Dieu. Elle affirme que ses fonds servent à allouer de l’argent aux créations de Dieu de la manière la plus innovante et la plus créative possible.

Son message et son extraordinaire performance boursière de 2020 ont été amplement (et habilement) relayés sur les médias sociaux. Il n’en fallait pas plus pour attirer des dizaines de milliers d’investisseurs. Au plus fort de sa popularité, le capital de ARK Invest a atteint plus de $60 milliards.

Avec une stratégie qui se résume en peu de mots : investir dans des technologies disruptives qui vont remodeler le monde (3).

Dès le début, les fonds Ark ont été investis dans des innovations disruptives telles que le séquençage de l’ADN, la robotique, l’intelligence artificielle, le stockage d’énergie et la technologie blockchain.

Jusqu’à 2020, le pari a été payant.

Mais revirement en 2021.

Alors que le rendement de la bourse américaine est de +27%, le fonds ARKK accuse une perte de 20% . Quant au fonds ARK Genomic Revolution (ARKG), il a perdu 40%! (4) En moins d’un an, le capital de ARK Invest a fondu de moitié pour s’établir à $31 milliard. De plus, le fonds ARKK demeure toujours tributaire de la valorisation exponentielle de Tesla (le titre se transige à 346 fois les bénéfices) qui représente près de 10% de la valeur totale.

Ainsi, l’histoire se répète : le petit investisseur arrive trop tard à la fête. Attiré par l’appât de gains démesurés (que d’autres ont déjà encaissés), c’est encore lui qui paie la note.


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Quelles leçons tirer des stratégies de Cathie Wood et ARK Invest ?

Le discours de Cathie Wood est étoffé. De toute évidence, elle connaît son sujet. Elle nous convainc aisément que des technologies disruptives vont remodeler notre monde.

Surtout quand elle parle des progrès extraordinaires de la génomique. Elle décrit des découvertes médicales qui vont guérir des maladies incurables. D’autres corrigeront des tares héréditaires et redonneront la qualité de vie à des gens jusqu’ici condamnés. Elle avance des niveaux de valorisations potentielles d’industries émergentes dans les centaines de milliards$, rien de moins !

On ne conteste pas sa vision du développement technologique (5). Investir dans les technologies disruptives est une condition pour réaliser un rendement de portefeuille supérieur à long terme (6).

Mais la stratégie de placement de ARK Invest est trop risquée.

Sur les 10 positions les plus importantes du fonds ARK Innovation :

2 stocks font 16% du total et se transigent à des rapports cours-bénéfice* extraordinairement élevés, soit 346 et 112.

2 entreprises se transigent à plus de 50 fois les bénéfices.

5 entreprises perdent de l’argent.

D’autres fonds de la famille ARK Invest ont des profils encore plus risqués. Sur les 10 positions les plus importantes du fonds ARK Genomic Revolution (ARKG) :

1 entreprise est rentable.

9 perdent de l’argent.

La moitié sont cotées depuis moins de 5 ans.

Ces situations sont normales quand on comprend comment les gestionnaires de ARK choisissent leurs investissements.

Toutes les positions sont des paris sur le succès d’entreprises qui investissent dans la conception et la commercialisation d’innovations disruptives (7). Pour la plupart, ce sont de jeunes entreprises en phase de développement et conséquemment, non rentables. Des entreprises auxquelles la masse des investisseurs ne s’intéressent pas. Ceci a pour résultat qu’on peut les acquérir à bon prix. Le potentiel de gain est extrêmement élevé.

Mais le potentiel de pertes l’est davantage.

Il y a une grande différence entre identifier un produit ou un secteur d’activité prometteur et savoir dans quelle entreprise on devrait investir aujourd’hui.

Il est dangereux d’investir dans des entreprises disruptives qui ne sont pas rentables parce que:

1 – Des compétiteurs apparaissent

Les entreprises qui développent des concepts disruptifs sont des monopoles dans les nouveaux marchés qu’elles desservent. Mais, lorsque ces produits connaissent du succès, elles doivent composer avec l’arrivée de nouveaux compétiteurs.

2 – L’accumulation de pertes fragilise une entreprise

Le développement et la commercialisation d’un produit novateur peuvent exiger plusieurs années au cours desquelles les pertes financières s’accumulent. Ceci oblige l’entreprise à émettre des actions additionnelles de son capital pour obtenir des fonds nécessaires à son exploitation. Des appels de fonds répétés deviennent dispendieux. Ils peuvent diluer de façon importante, voir mettre en péril, les gains futurs éventuels des détenteurs d’actions.

3 – Il est établi que des experts n’arrivent pas à prédire quelles entreprises seront les plus performantes.

Comme au casino, les probabilités de perte sont du côté de celui qui joue.

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L’investisseur amateur devrait éviter de mettre de l’argent dans des entreprises déficitaires.

Il est vrai qu’investir dans un fonds commun d’entreprises disruptives est mieux que d’investir soi-même dans des entreprises individuelles. Au moins, l’investisseur bénéficie de l’expertise d’un gestionnaire d’expérience.

Toutefois, il existe des stratégies alternatives qui visent des objectifs ambitieux mais beaucoup moins risqués que celles de Cathie Wood et des fonds Ark.


 

Investir dans des entreprises rentables et bien capitalisées

Si des gestionnaires comme Cathie Wood savent identifier les innovations disruptives les plus prometteuses et les entreprises dans lesquelles on devrait investir, d’autres experts ont les compétences et les ressources pour en faire tout autant.

La question est de savoir qui offre le meilleur rapport risque-rendement.

Le secteur de la haute technologie est riche de grandes entreprises dont le leadership repose sur leur capacité à innover.

Ces entreprises sont très rentables. À titre d’exemple, sur les sept (7) entreprises les plus importantes de l’indice boursier américain, six (6) sont des géants de la haute technologie. Fait intéressant : depuis 3 ans, leur rendement annuel est équivalent à celui de ARK Innovation, soit 34%, mais avec une volatilité beaucoup plus faible (8).

Elles investissent dans des concepts aussi innovateurs que variés (commerce électronique, drones, vision intelligente, médicaments destinés à détecter la maladie, robotique, véhicules électriques, graphisme, réalité virtuelle, énergie renouvelable, …). Des secteurs qui connaissent une croissance extrêmement rapide.

Ces entreprises possèdent le muscle financier pour financer l’innovation. Elles engagent les meilleurs cerveaux et disposent des technologies de pointe. Leurs ressources financières gigantesques font qu’elles ne sont pas à la merci d’investisseurs pressés de toucher leurs profits. Elles investissent les ressources nécessaires, sans contrainte de temps ou d’argent.

Comme elles sont rentables et disposent de capitaux considérables, tout échec de projets dans lesquels elles investissent n’affectera pas leur performance financière globale ni la solidité de leur bilan.
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La solution : les fonds communs d’entreprises technologiques

Il existe un grand choix de fonds communs qui détiennent des positions dans les grandes entreprises de haute technologie. Le site ETFdatabase donne une liste exhaustive de ces fonds (9). On y trouve les rendements historiques, la liste des titres détenus, etc.

L’avantage d’un fonds de placement spécialisé dans les grandes entreprises de haute technologie est que l’investisseur détient un panier de titres différents mais rentables. L’avantage est qu’il n’a pas à analyser les données fondamentales de chacun.

Indirectement, cela lui permet d’investir dans un large éventail d’innovations disruptives.


Conclusion

Cathie Wood anticipe des rendements annuels de 30% à 40% au cours des 5 prochaines années (10). Des rendements complètement démesurés par rapport à ce que les marchés rapportent à long terme.

Il est tentant d’investir dans un fonds qui fait de telles promesses. Mais, comme l’année 2021 l’a illustré, cela peut résulter en des lendemains fort douloureux. Les probabilités d’échecs sont à la hauteur des promesses de succès.

Certaines innovations seront des succès, d’autres pas. Mais ce qui est sûr, c’est qu’au contraire d’entreprises qui composent les fonds ARK, il y a peu de chance que des sociétés de haute technologie dominantes, extrêmement rentables et disposant de ressources financières gigantesques pâtissent de quelconques insuccès de leurs projets. Inévitablement, plusieurs de leurs projets menés à terme, seront des succès financiers.

Investir dans des innovations disruptives via des fonds de placement de grandes entreprises technologiques donne l’opportunité de participer aux succès d’entreprises qui sont à la fine pointe de l’innovation, sans encourir les risques associés aux entreprises émergentes et non rentables.



 

(1) CIBC Premium Edge, 26 décembre ’21.
(2) Stock Market Goddess, une expression reprise dans plusieurs publications financières en 2020-2021.
(3) Son investissement le plus célèbre est Tesla, dont la valeur boursière a décuplé en 2020.
(4) ETF Database
(5) Des experts compétents, sûrement pas nous, ont tout loisir de le faire.
(6) PORTEFEUILLE 101 suggère que 20% du capital soit investi dans les Incontournables.
(7) Les risques associés à ce type d’entreprises sont discutés dans Comment investir dans des entreprises disruptives ?
(8) 3 Cathie Wood Charts That Show Why the Stock Market Feels Crazy Right Now, Motley Fool, Dec-26 ‘21.
(9) Les fonds de la catégorie Broad Technology incluent les titres des entreprises technologiques auxquelles nous référons ici.
(10) Yahoo Finance, Dec-27 ’21.


FAQ

 

Pourquoi investir dans l’innovation?

L’entreprise doit investir dans des concepts innovateurs pour améliorer sa position concurrentielle, développer de nouveaux marchés, réduire ses coûts et accroître sa productivité. L’innovation inclut le développement de nouveaux produits et services, autant que de procédés de fabrication et opérationnels.

Comment finance-t-on l’innovation?

On peut obtenir du financement extérieur sous forme de  subventions, de prêts bancaire ou participatifs, de déductions fiscales ou d’apport de capital. Une autre façon est de faire appel à l’expertise des employés, des cadres et des dirigeants pour développer des améliorations aux produits et processus existants.

Quels sont les risques liés à l’innovation?

L’innovation implique un saut dans l’inconnu, donc un risque. L’innovation remet en cause des produits, des procédés, des façons de faire. Elle propose de nouvelles habitudes et de nouveaux comportements. L’innovation oblige à adopter de nouveaux automatismes.

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