Quatre traits méconnus de titres prometteurs

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Plus que jamais, on ignore comment les marchés se comporteront

Depuis dix ans, les détenteurs du principal fonds indiciel américain ont réalisé des rendements annuels moyens de 11,3%. Sans effort, ils ont surpassé la performance de la majorité des portefeuilles gérés par des professionnels. C’est sans doute ce qui explique qu’à fin 2023, la capitalisation des fonds gérés passivement a dépassé celle des fonds gérés activement.

Après les années fastes, une vague de rendements médiocres pourrait se produire sans crier gare. Et ça pourrait prendre plus que des solutions automatiques et faciles pour générer des rendements décents.

Sauf que personne ne peut prédire ce que les marchés nous réservent pour les prochaines années.

C’est pourquoi on doit ignorer les prédictions des experts. Ce qui suit aide à s’en convaincre :

Deux études révélatrices

Le cabinet financier Daner Wealth a publié les résultats d’une étude portant sur la fiabilité des prédictions boursières de centaines d’experts reconnus (1). Leur conclusion : les prédictions se sont réalisées dans 47% des cas, soit moins que ce à quoi on pourrait s’attendre en lançant les dés. À titre d’exemple, le score de Abbey Cohen (ex-stratège en chef de Goldman Sachs) était de 35 %!

En 2019, une autre étude a analysé 6 627 prévisions faites par 68 prévisionnistes. Conclusion : quelques prévisionnistes ont très bien réussi. Mais la majorité a obtenu des performances qui ne sont pas statistiquement différentes du hasard (2).


La solution : s’en remettre à des principes indépendants de toutes conjectures

À défaut de savoir prédire l’avenir, on doit baser nos décisions d’investissement sur quatre (4) principes qui ne changent pas au gré des circonstances :

♦  Maintenir un horizon de rendement à long terme, idéalement 10 ans,

 Investir en respectant les trois piliers de PORTEFEUILLE 101,

♦  Bâtir un portefeuille de placements cadré dans une structure explicite et permanente,

♦  Soumettre les titres du portefeuille à des critères d’évaluation éprouvés.

Attardons-nous à ce dernier principe.


Des critères d’évaluation connus… et moins connus

La littérature financière regorge d’ouvrages qui expliquent comment évaluer des titres boursiers. Pour ne pas être en reste, PORTEFEUILLE 101 y consacre des fondements.

Parmi les critères connus, on retrouve :

* Une valeur intrinsèque supérieure à la valeur boursière,

* Un ratio cours-bénéfice en deçà de celui de l’industrie,

* Un bas niveau d’endettement,

* Un historique de croissance des revenus et du bénéfice,

* Un haut dividende qu’on augmente à chaque année,

* Une faible volatilité,

* Une entreprise leader de son industrie,

* Une équipe de direction stable et solide.

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Mais il existe des critères moins connus qui valent qu’on s’y attarde.

Ils ne remplacent pas les critères connus (voir ci-haut). Ils sont complémentaires. Ils servent à confirmer ou infirmer les conclusions d’analyses initiales.

1 – La situation financière des dirigeants

Le point est étrange, mais il vaut la peine d’être examiné. Demandons-nous pourquoi un milliardaire continue à travailler ? Exemples : Warren Buffett. On connaît sa feuille de route. Ce n’est certes pas le besoin d’argent qui le motive à rester en poste (à l’âge vénérable de 94 ans). Jensen Huang de Nvidia  dit qu’il travaille dès qu’il se réveille, 7 jours sur 7. Et quand il ne travaille pas, il pense au travail! Plusieurs milliardaires travaillent par passion. Ils veulent construire quelque chose. Ils veulent créer un héritage. Ce ne sont pas tous les milliardaires qui entretiennent un objectif aussi noble. Sans nommer personne, certains peuvent le faire pour des raisons moins glorieuses.

Il existe des milliardaires qui n’ont aucun intérêt pour la dolce vita. Ils préfèrent utiliser leurs talents pour bâtir une entreprise.

L’art est de savoir les reconnaître.

2 – La couverture par les analystes

Certaines entreprises ne sont suivies par aucun analyste. Elles ne font l’objet d’aucun commentaire, ni rapport de recherche. En un mot, elles ne suscitent pas d’intérêt au sein de la communauté financière. Souvent, cela est dû au fait que la capitalisation de l’entreprise ou le volume de transactions boursières sont trop faibles pour que les analystes y portent attention.

Mais une absence de couverture peut créer des opportunités.

Le fait qu’aucun analyste ne suive un titre entraîne une baisse d’intérêt, et donc une demande moins forte de la part des investisseurs. Invariablement, ces titres sont sous-évalués. Ce peut être l’occasion de les acquérir à rabais. Les plus intéressants sont les titres qui versent de hauts dividendes et qu’aucun analyste ne suit.

3 – Les titres non indiciels*

On peut appliquer un raisonnement similaire aux titres non indiciels*. L’intérêt pour ces titres est limité du fait que plusieurs institutions et fonds de placement n’investissent que dans des titres indiciels*. Il en résulte une demande beaucoup plus faible. Conséquence: ces titres tendent à être sous-évalués. Les titres non indiciels* à haut dividende peuvent représenter d’excellentes opportunités d’investir à rabais dans des entreprises de qualité.

4 – Les titres honnis

Trouver une action que tout le monde déteste. Il peut s’agir d’une entreprise qui affichait de bons résultats, avec une croissance des revenus, détenant d’importantes parts de marché. Puis, la situation s’est dégradée sans que personne n’ait prêté attention à de possibles signes avant-coureurs. Des analystes ont été pris de court, obligés de remettre en question leurs analyses antécédentes. Des investisseurs constatent tout-à-coup que la belle histoire a pris fin. Un ressentiment général s’installe vis-à-vis l’entreprise.

Les investisseurs amateurs vendent par frustration. Les investisseurs institutionnels vendent parce que l’action a tellement baissé que sa valeur ne rencontre plus les proportions minimum qu’ils ont établis.  Ou encore, les fonds de placements ne veulent tout simplement plus être associés à une entreprise honnie.

De tels scénarios peuvent provoquer un sentiment si négatif qu’une majorité d’investisseurs perd toute confiance dans l’entreprise. Ils entraînent une baisse de valeur significative de sa cote boursière.

Lorsque tout le monde a jeté l’éponge, les mauvaises nouvelles sont pleinement prises en compte. C’est à ce moment que des opportunités d’achat peuvent apparaître.

Il faut y réfléchir à deux fois avant d’investir dans de tels titres. Des questions se posent :

S’agit-il toujours d’une entreprise dominante dans son marché?

Son produit est-il à risque d’être supplanté par un produit novateur?

Dispose-t-elle de ressources financières suffisantes pour absorber des pertes financières importantes?

Est-ce que des investisseurs importants ont gardé confiance?

Il revient à chacun de mesurer les pour et les contre d’une telle aventure.  Dans tous les cas, il faut se rappeler la règle de PORTEFEUILLE 101 : le montant investi dans un seul titre ne doit jamais excéder 4% du portefeuille.

S’il s’agit d’une situation risquée, la proportion maximum devrait être de 3%.

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(0)

(1) Guru Grades, CXO Advisory.
(2) Do Financial Gurus Produce Reliable Forecasts? Bailey-Borwein…, 2019.

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FAQ

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Qu’est-ce que la « règle du 90 »?

Selon cette règle, 90% des investisseurs débutants subissent des pertes au cours des premiers 90 jours, effaçant 90% de leur capital initial. C’est un rappel original qui donne à réfléchir sur la difficulté de transiger des titres boursiers, un exercice qu’on doit approcher avec le plus grand sérieux.

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Quelles sont les deux règles d’or de Warren Buffett?

Règle #1: Ne pas perdre d’argent. Règle #2: Ne jamais oublier la règle #1.

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Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.

Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).

À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.

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