Le Graal des grands investisseurs
Les grands investisseurs se distinguent par leur capacité à réaliser des rendements supérieurs sur de longues périodes. Chose surprenante, chacun a sa propre recette de succès, aisément accessible à n’importe quel néophyte. Mais ce qui fait leur différence, c’est qu’ils détiennent le Graal: des principes de succès dont ils ne dévient jamais.
La majorité des gestionnaires se font battre par les indices de référence
À long terme, les gestionnaires professionnels ne font pas mieux que la bourse. Plus de 90% des gestionnaires de fonds d’actions canadiennes et américaines ont eu des rendements inférieurs à leurs indices de référence.
Face à ces chiffres, des gestionnaires répondent qu’ils offrent un meilleur rapport risque-rendement, c’est-à-dire qu’ils surperforment les indices lorsqu’on tient compte du risque de leurs portefeuilles. Ce serait là un argument valable… si seulement c’était vrai.
La réalité est celle-ci : sur les 20 dernières années, 95% des fonds gérés activement ont sous-performé les indices de référence en tenant compte du risque de leurs portefeuilles (1).
Les grands investisseurs : des rendements exceptionnels / des stratégies simples
Les grands investisseurs font exception.
Les grands investisseurs sont les stars du monde financier. Ceux qu’on appelle « grands investisseurs » ont démontré une capacité à produire des rendements financiers supérieurs sur de longues périodes. Des noms familiers :
® Benjamin Graham (Graham-Newman Corp)
® Warren Buffett (Berkshire Hathaway)
® Peter Lynch (Fidelity Magellan)
® John Templeton (Templeton Funds)
® Jack Bogle (Vanguard)
® Bill Ackman (Pershing Square)
® Thomas Rowe Price (T. Rowe Price)
® George Soros (Quantum Fund)
On est frappés du fait que leurs stratégies de placement sont fort différentes, mais toutes sont simples. Bien que les exemples qui suivent ne présentent pas l’ensemble de leurs stratégies, ils illustrent la simplicité et la diversité des principes utilisés :
® Warren Buffett : investir dans des entreprises rentables appartenant à des secteurs avec lesquels on est familier.
® Peter Lynch : porter attention au rapport entre le ratio cours-bénéfice* et la croissance du bénéfice.
® Bill Ackman : investir dans une société qui domine son industrie, dont le modèle d’affaires est simple et prévisible.
® John Templeton : investir dans des sociétés peu endettées, dont le BPA* augmente constamment depuis 5 ans.
® Jack Bogle : investir uniquement dans des fonds indiciels calqués sur les indices boursiers principaux.
Les traits communs des grands investisseurs
Leurs stratégies sont différentes, mais ils partagent des traits communs.
Un commentaire de Warren Buffett est particulièrement approprié pour introduire le sujet :
L’investissement n’est pas une activité où le gars avec un QI de 160 bat celui qui a un QI de 130. Du moment que vous êtes dotés d’une intelligence ordinaire, le plus important est d’avoir le tempérament requis pour contrôler les pulsions qui nuisent à la majorité des investisseurs.
Voici donc dix (10) principes que les grands investisseurs partagent :
1 – Ils préfèrent les raisonnements simples aux analyses complexes
Trop d’investisseurs analysent des situations complexes en ajoutant encore plus de complexité à leur processus d’investissement. Ils réfèrent à des montagnes de données, de graphiques et de formules alambiquées.
C’est sans doute une façon de se donner bonne conscience et l’impression de faire preuve de rigueur. Il n’en est rien. Tout ceci ne fait que créer des pertes de temps et ajouter de la confusion.
Face à la complexité, la solution est de simplifier. C’est pourquoi, les grands investisseurs favorisent la logique et la simplicité aux raisonnements techniques complexes.
2 – Une aversion pour le risque
Forts de leur expérience, ils savent qu’investir est une activité risquée. Leur aversion au risque les amène à investir dans des industries qu’ils connaissent, dont ils visualisent les risques autant que les opportunités.
Si vous leur demandez leur recette pour faire de l’argent, vous aurez autant de réponses que d’investisseurs. Mais une même règle de base : ne pas perdre d’argent.
Comme le résume Mark Lasry (2): Une fois assurés que notre risque de perte est limité, nous évaluons notre potentiel de profit.
3 – Des libres penseurs, peu influencés par la foule
Ils ont la capacité de penser librement. Ils ne se soucient guère de ce que les autres pensent de leurs décisions d’investissement. Ils ont confiance en leurs raisonnements.
Ils savent que la plupart des gens sont influencés par les modes et donnent de l’importance aux prédictions d’experts. Eux ne souffrent pas d’adopter des positions contraires à la majorité.
Quand les foules se pressent pour acheter ou pour vendre, ils ne bougent pas. Dans certains cas, ils en profitent pour acheter lorsque la foule veut vendre et vendre lorsqu’elle fait grimper les cours de façon excessive.
4 – Ils écoutent avec attention
Ils récoltent des avis de sources crédibles pour parfaire leurs connaissances d’une entreprise, d’une industrie ou de phénomènes susceptibles de modifier leur perception d’une situation.
Le fait d’échanger avec des gens qui ont quelque chose à dire les aide à contrebalancer leur subjectivité. Poser une question force à exprimer un raisonnement. Expliquer un point de vue permet d’être plus rationnel.
5 – Ils sont conscients de ce qu’ils ne savent pas
Contrairement à ceux qui se font remarquer par leurs affirmations et leurs prédictions, ils ne prétendent pas connaître beaucoup de choses. Ils demandent conseil avant de s’engager dans des domaines avec lesquels ils sont peu familiers.
6 – Ils font preuve d’humilité
En matière d’investissement, l’humilité est une précieuse qualité. Les grands investisseurs savent qu’ils peuvent prendre de mauvaises décisions. Aussi, ils se gardent de tirer quelque vanité de leurs actes.
7 – Ils prennent leur temps avant d’agir
Ils n’agissent jamais avec précipitation. Toute décision est mûrie avec soin. Lorsqu’on presse d’investir dans une entreprise, ils savent ce n’est qu’un attrape-nigaud destiné aux investisseurs crédules. En tout temps, les grands investisseurs restent maîtres de leur calendrier.
8 – Ils demeurent calmes en toutes circonstances
L’univers de l’investissement est rempli d’incertitude. C’est pourquoi les grands investisseurs font preuve de résilience émotionnelle. Ils se distinguent par leur capacité à persévérer dans la tempête et d’apprendre de leurs erreurs.
9 – Ils sont des éternels optimistes
Warren Buffett est connu pour deux choses : le rendement de ses investissements et son optimisme légendaire. À des étudiants qui lui demandaient sa définition du succès, il avait répondu : « Je ne sais trop comment définir le succès; mais le bonheur est ce qui me définit ».
Dans un rapport annuel de la fondation Bill & Melinda Gates, cette dernière lui avait écrit: « Votre optimisme ne découle pas de votre succès; votre optimisme a créé votre succès ».
Les grands investisseurs sont heureux de vivre comme ils l’entendent. Ils gardent foi dans l’avenir, convaincus qu’on n’arrêtera jamais la marche du progrès. L’histoire des marchés financiers démontre que la probabilité de connaître des rendements boursiers positifs sur n’importe quel horizon de 10 ans est de 95% (3).
10 – Un horizon de rendement à long terme
Sauf de rares exceptions (4), les grands investisseurs ont un horizon de rendement à long terme.
Une des raisons est qu’à court terme, la valeur marchande d’un titre (coté en bourse) est fortement influencée par les sentiments des investisseurs, partagés entre la peur et la cupidité. Mais, à long terme, sa valeur marchande tend à refléter ses données fondamentales, dont principalement le niveau et l’évolution du bénéfice de l’entreprise.
Conclusion
Les leçons à tirer des principes véhiculés par les grands investisseurs ne sont pas limitées au monde financier. Elles s’appliquent à tous les domaines de la vie.
Réaliser systématiquement des rendements à long terme supérieurs aux indices de référence n’est pas une tâche évidente. Mais les traits communs que partagent les grands investisseurs nous révèlent qu’étonnamment, l’objectif est à la portée de l’investisseur qui consent à y mettre les efforts.
Le défi n’est pas technique. C’est un défi humain. Un défi qui exige persévérance, prudence et patience.
_____________________________________________________________
(1) SPIVA U.S. Year-End 2021, S&P Dow Jones Indices, March ’22.
(2) Président de Avenue Capital Group.
(3) Le temps, paramètre de rendement le plus important
(4) Une exception : Georges Soros a réalisé des gains spectaculaires à court terme en pariant sur des fluctuations de titres et devises.
FAQ
Quel est l’intérêt de la finance comportementale?
La finance comportementale vise à expliquer le comportement souvent irrationnel des investisseurs. Le processus identifie une série de biais cognitifs et émotionnels dont l’investisseur doit prendre conscience. En retour, ceci lui permet d’y réagir de manière à en mitiger les effets.
.
Quels éléments peuvent influencer le profil de l’investisseur ?
Parmi les éléments les plus importants, on retrouve l’âge, l’appétence au risque, l’horizon de rendement, l’importance du patrimoine et les compétences en matière de gestion financière.
.
Faut-il être optimiste pour investir ?
Il y a plusieurs raisons d’être optimiste. La première est que, sur des périodes de 10 ans, les probabilités de gain sont de 95%. La deuxième est qu’il y a suffisamment de pessimistes pour créer des occasions d’achat pour tous les optimistes.
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.