Investir pour mettre un terme à notre dépendance

Dépendance_1

La pandémie et la guerre russo-ukrainienne nous ont appris une importante leçon : il est urgent d’investir dans les entreprises de chez nous qui produisent les biens que nous consommons autant par nécessité que par choix.


Une dépendance systémique à des sources que nous ne contrôlons pas

Autant les consommateurs que les entreprises manufacturières canadiens sont vulnérables aux problèmes sanitaires, aux problèmes géopolitiques, aux guerres et aux aléas climatiques qui frappent les marchés mondiaux. Car un grand nombre d’intrants proviennent de marchés étrangers.

Notre vulnérabilité est d’autant plus grande que nous n’avons aucun pouvoir d’influer sur le cours d’événements fortuits, voire de décisions au sujet desquelles on ne demande pas notre avis.

Quelques exemples illustrent les situations fâcheuses dans lesquelles nous plonge notre impuissance :

  Médicaments

Le Canada importe 68 % de ses médicaments de l’étranger. Depuis 2017, près de la moitié (44 %) des médicaments vendus au Canada ont été en pénurie au moins une fois (1).

  Équipement de protection individuelle (EPI)

Le gouvernement fédéral achète encore la majorité des équipements de protection individuelle (masques, respirateurs N95, etc.) d’entreprises étrangères. À peine 30 % des dépenses vont à des entreprises canadiennes (2).

  Semi-conducteurs

Il y a pénurie mondiale de semi-conducteurs, ceux-ci étant principalement fabriqués en Asie. Une partie de l’économie nord-américaine s’en trouve paralysée. Une des raisons est qu’au fil du temps, les géants américains des semi-conducteurs (dont Intel) ont sous-traité leur production à des fabricants asiatiques.

  Les aliments

Au Québec, la valeur des aliments et des boissons acquis en gros (commerce de détail, restauration et autres) s’établissait à 23 G$. De ce chiffre, les importations ont compté pour 7,4 G$ en 2018, soit presque le tiers (3). Après une hausse de prix de 4% en 2021, on s’attend à une nouvelle hausse de 7% en 2022 (4). Or, les denrées importées sont en bonne partie responsables de ces hausses.

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Deux observations :

1 – Les facteurs géographiques

Les hausses de prix sont dues à des facteurs qui touchent autant le Canada que le reste du monde (pandémie, pénurie de main d’œuvre). Mais, à ces facteurs s’ajoutent ceux qui sont propres aux pays d’origine (inondations, sécheresses, guerres, etc.).

2 – Les coûts de transport

La hausse record des coûts de transport exacerbe l’impact des difficultés d’approvisionnement actuelles. Selon des données récentes, les coûts du transport maritime et par camion ont respectivement bondi de 29% et 18% par rapport à la même période l’année dernière. Il s’agit des plus fortes augmentations annuelles jamais enregistrées (5).


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Pourquoi des entreprises locales devraient produire ce que nous consommons?

Promouvoir « l’achat chez nous » n’est pas nouveau.

Déjà, en 1938, Édouard Montpetit invite les francophones à s’intéresser à l’économie : « Le progrès économique qui menace de s’accomplir sans nous révèle les faiblesses auxquelles remédier ». Il les enjoint à faire preuve de solidarité en prônant l’achat chez nous. Il va plus loin en reprenant à son compte la devise d’Errol Bouchette : « Emparons-nous de l’industrie. » (6).

Il y a trois (3) avantages à développer notre capacité à produire les biens et services que nous consommons :

1 – Affermir nos compétences et la résilience de notre économie

2 – Sécuriser nos sources d’approvisionnement

3 – Diminuer notre empreinte écologique.


1 – Affermir nos compétences et la résilience de notre économie

Plus on investit dans une entreprise locale, plus on ajoute de la valeur à notre économie. Car ça permet à l’entreprise de:

donner de l’emploi à davantage de personnes;

disposer de capitaux additionnels pour améliorer ses infrastructures;

augmenter son volume d’affaires et réaliser des gains de productivité qui la rendront plus compétitive;

promouvoir des compétences pointues dans divers domaines de son exploitation (production, marketing, etc.);

innover en développant sa gamme de produits;

contribuer de manière plus importante à notre économie, en payant plus de taxes et d’impôts.

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2 – Sécuriser nos sources d’approvisionnement

A – L’exemple de l’industrie du médicament

La pandémie a mis en lumière combien il est critique de sécuriser nos sources d’approvisionnement de médicaments.

En pleine crise, on a pris conscience que la majorité de nos médicaments étaient produits à l’étranger. On ne pouvait certes prévoir qu’une telle pandémie frapperait du jour au lendemain. Mais, on a sous-estimé le risque d’avoir des sources d’approvisionnement uniques, parfois lointaines, pour certains produits-clés.

Pourtant, le chef du département de pharmacie du CHU Sainte-Justine avait pris la peine de rappeler que des pénuries de médicaments, on en vit depuis 10 ans. C’est récurrent (7).

En la matière, un chercheur québécois (8) a défendu l’idée qu’on pourrait facilement produire localement de petites quantités d’ingrédients actifs avec des appareils de taille modeste. En pleine pandémie, cela aurait permis de produire très rapidement l’ingrédient actif du propofol (9).

Que voilà un puissant témoignage pour affirmer que la production locale est le moyen idéal de sécuriser l’approvisionnement d’un produit. D’autant plus, qu’en cas de crise, c’est nous, et non un gouvernement étranger, qui décideraient à qui les produits seraient destinés en priorité (10).

B – La production locale permet de multiplier les sources d’approvisionnement

L’industrialisation des pays émergents et le développement du libre-échange ont permis aux pays occidentaux d’avoir accès à un grand nombre de produits fabriqués dans différents pays.

De fait, c’est en partie ce qui explique qu’on ait négligé la production locale pour la confier à des entreprises étrangères. Mais cette sous-traitance dont l’objectif était de diminuer les coûts a eu 2 conséquences :

Elle a résulté en une perte de savoir-faire de nos entreprises,

Elle a créé une dépendance à un nombre restreint d’entreprises situées dans des pays étrangers.

La pandémie et la guerre russo-ukrainienne nous ramènent sur terre. Ces événements nous rappellent qu’il est urgent que des entreprises locales reprennent le contrôle de la production de biens et services que nous consommons.

Pour plusieurs biens, la fabrication locale est un facteur de diversification important. Elle stimule la création d’un plus grand nombre de centres de production, plus petits, moins coûteux à gérer et plus accessibles sur l’ensemble de notre territoire.

C’est la meilleure façon de sécuriser l’approvisionnement des produits que nous consommons.

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3 – Diminuer notre empreinte écologique

Les importations de produits comptent pour plus de la moitié (54%) de l’empreinte carbone (11). Un produit fabriqué localement entraîne des activités de transport négligeables. Ce dernier facteur réduit d’autant son empreinte carbone.

Il faut savoir que cette moyenne varie énormément selon le type de produit. Selon une étude de 2018, le transport représente 0,5 % des émissions de gaz à effet de serre pour le bœuf et le fromage, mais s’élève à 33 % pour les fruits et légumes et jusqu’à 43 % pour le sucre (12).


Conclusion : investir dans des entreprises qui ont une empreinte locale

Les crises sanitaires, les troubles géopolitiques et les cataclysmes naturels ont ceci de particuliers qu’on ne sait pas les prévoir. Or, quelques exemples récents ont démontré combien il peut être périlleux de dépendre de l’étranger pour se procurer les produits dont nous avons besoin.

C’est pourquoi, il est temps que des entreprises de chez nous prennent charge de la production d’une plus grande part des biens et services que nous convoitons.

Acheter des produits locaux est un comportement qui encourage tangiblement nos entreprises aujourd’hui. Investir dans des entreprises qui fabriquent, emploient des gens et développent des compétences au Québec, c’est :

bâtir l’économie de demain en développant les compétences dont nous aurons besoin,

sécuriser nos sources d’approvisionnement,

diminuer notre empreinte écologique.

PORTEFEUILLE 101 a défini les critères qui devraient présider au choix d’un titre boursier (13).

Si plusieurs titres satisfont à ces critères, pourquoi ne pas donner préférence à ceux d’entreprises qui fabriquent, donnent de l’emploi et développent des compétences au Québec ?

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Alors :

Ail cultivé au Québec ou en Chine ?

Botte d’hiver fabriquée au Québec ou en Turquie ?

Crème glacée produite au Québec ou aux États-Unis ?


(0)

(1) Le Canada interdit l’exportation de plusieurs médicaments vers les États-Unis, La Presse, 28 novembre ’20.
(2) Le Canada reste dépendant de l’étranger pour l’équipement de protection, La Presse, 9 mars ’22.
(3) L’approvisionnement alimentaire au Québec, MAPAQ, Avril ’20.
(4) Une hausse importante du prix du panier d’épicerie prévue pour 2022, NeoMedia, 11 décembre ’21
(5) Freight Cost Blowout May Mean Little Inflation Relief Soon, Bloomberg, 16 février ’22.
(6) Qui était Édouard Montpetit, Cegep Edouard-Montpetit.
(7) Pénurie de médicaments : les leçons de la crise, Le Soleil, 1er avril ‘21
(8) André Charrette, directeur du Département de chimie de l’Université de Montréal (Source : Radio-Canada, 28 avril ’20).
(9) Cet anesthésique destiné à des patients coronavirus, était à un seuil critique à cause d’une explosion de la demande mondiale.
(10) C’est ce qui a amené la création de Médicament Québec, un projet visant à promouvoir la production locale des médicaments.
(11) Estimation de l’empreinte carbone de 1995 à 2019, Ministère de la transition écologique (France), 11 décembre ’20.
(12) Peut-on sauver la planète en mangeant local, Futura Planet, Août ‘20
(13) La structure du portefeuille et les chapitres afférents.


FAQ

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Pourquoi investir dans des entreprises locales ?

Investir dans des entreprises locales est une façon de mettre notre capital au service de notre communauté. Cela procure indirectement des fonds additionnels à nos entreprises qui, à leur tour, emploie des gens de chez nous.

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Pourquoi diversifier les sources d’approvisionnement ?

Avoir plus d’un fournisseur, permet de ne pas être à la merci d’un seul d’entre eux. Cela offre plus de flexibilité pour négocier des prix. De même, si un problème empêche un fournisseur de donner le service, un autre pourra le faire.

 

Pourquoi y’a-t-il de l’inflation ?

Il y a plusieurs raisons. Entre autres, les entreprises n’arrivent pas à répondre à la demande de certains produits, les prix du pétrole ont littéralement explosé depuis le début du conflit russo-ukrainien et des problèmes climatiques (sécheresses) ont affecté la production agricole de certains pays.

Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.

Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).

À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.

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