Dupliquer les transactions d’initiés : une stratégie gagnante?
Les stratégies d’experts pour battre le marché ne manquent pas. L’une d’elles compte son lot d’adeptes : elle consiste à dupliquer les transactions que les dirigeants et administrateurs (les initiés) effectuent sur les titres des entreprises qui les emploient. Mais est-ce vraiment une stratégie gagnante ?
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Les transactions d’initiés
Un initié est une personne dont les fonctions au sein d’une entreprise (1) peuvent l’amener à détenir des informations privilégiées pouvant influer sur le cours des actions. Les initiés incluent les cadres, dirigeants et administrateurs, de même que les actionnaires détenant 10%+ des actions d’une entreprise.
Les transactions d’initiés comprennent les achats et ventes d’actions, de même que l’attribution et l’exercice d’options d’achat d’actions.
Pourquoi les transactions d’initiés peuvent être profitables ?
Les partisans de stratégies qui miment les transactions d’initiés disent que les initiés ont un avantage marqué par rapport aux investisseurs externes. La raison est qu’ils disposent d’informations cruciales sur leur entreprise, inaccessibles à ces derniers. Par exemple :
♦ La tendance des ventes depuis le dernier rapport trimestriel aux actionnaires,
♦ Les nouveaux produits et services en cours de développement,
♦ Les récents plans d’expansion,
♦ Les projets de fusions et acquisitions potentielles,
♦ Le gain ou la perte de clients clés,
♦ L’état des litiges en cours,
♦ Etc.
Quand les initiés achètent des actions de leur propre entreprise, ils le font parce que les informations dont ils disposent suggèrent que les actions prendront de la valeur.
C’est pourquoi les partisans de l’approche disent qu’au lieu de prêter attention au verbiage des médias financiers, il serait préférable de suivre le comportement des initiés les mieux informés.
Il existe une législation qui fixe les conditions que les initiés doivent respecter lorsqu’ils effectuent des transactions sur les titres de leur entreprise. Une de ces conditions est qu’ils sont tenus de déclarer ces transactions à l’intérieur d’un délai imposé (2).
Or, c’est précisément le fait que les initiés doivent déclarer leurs transactions à l’intérieur d’un court délai qui donne l’opportunité aux investisseurs externes de les copier.
Quelles sont les informations pertinentes aux transactions d’initiés ?
1 – Les achats ont plus d’importance que les ventes
Un initié peut avoir plusieurs raisons de vendre qui n’ont rien à voir avec la situation de l’entreprise. Il peut avoir besoin de fonds pour acheter une nouvelle maison, investir dans un projet personnel ou pour diversifier ses investissements.
A contrario, les initiés n’ont qu’une seule raison d’acheter : ils croient que l’action va monter.
De plus, il faut savoir que la plupart des initiés « achètent » beaucoup moins d’actions qu’ils n’en vendent ! La raison est qu’ils acquièrent des actions à la suite de l’attribution d’options d’achat dans le cadre de leur rémunération. Souvent, lorsque la valeur marchande de l’action dépasse le prix d’exercice d’une option d’achat, l’initié s’empresse d’acheter et de revendre derechef une partie des actions ainsi acquises à rabais.
2 – Le comportement de certains initiés a plus de signification que d’autres
Les dirigeants (3) en savent beaucoup plus sur les perspectives d’une entreprise que les administrateurs.
3 – Les initiés des petites entreprises en savent plus
Dans les PME, pratiquement tous les initiés sont au courant des projets et de la situation de la société. Dans les grandes entreprises, l’information est plus dispersée. En général, seule l’équipe de haute direction a une réelle vue d’ensemble.
4 – Le volume et la dispersion des transactions sont des éléments clés
Deux facteurs sont importants : la valeur des actions transigées et le nombre d’initiés impliqués dans ces transactions. Dans une grande entreprise, des transactions par un ou deux initiés ne constituent pas nécessairement un message clair. De même, l’investisseur ne devrait porter attention qu’aux volumes de transactions significatifs.
5 – Recouper les transactions d’initiés importantes avec les nouvelles financières
Un projet ou un fait important qui touche une société peut faire l’objet de commentaires dans la presse financière. Avant de conclure une transaction sur la base d’une transaction d’initiés, il convient de voir si la situation est commentée dans la presse financière.
L’information est accessible mais difficile à analyser
On peut trouver l’information sur les transactions d’initiés sur différents sites, tels que Openinsider.com (États-Unis) et Sedi.ca (Canada).
Ces sites (et d’autres) offrent une version gratuite. Mais, dans tous les cas, la recherche de transactions d’initiés est un exercice ardu. À chaque jour, des milliers de formulaires de transactions d’initiés sont déposés auprès des autorités règlementaires.
Il faut consacrer beaucoup de temps ou souscrire à un abonnement dispendieux pour obtenir une information pointue.
La réalité c’est que l’investisseur amateur ne dispose pas des outils nécessaires pour identifier les transactions d’initiés les plus intéressantes.
Y’a-t-il des fonds de placements spécialisés dans les transactions d’initiés ?
Au cours des dernières années, très peu de fonds de placements spécialisés dans les transactions d’initiés ont vu le jour. Une recherche (4) sur le web indique un seul fonds actif, spécialisé dans les titres transigés par des initiés (Catalyst Insider Buying – INSAX). D’après Morningstar, le fonds accuse un rendement négatif annuel de 1,2% sur 5 ans.
La conclusion: il n’y a pas de fonds de placements spécialisé dans les transactions d’initiés qui soit intéressant.
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Une façon plus simple d’investir comme des initiés
Il est peut-être rassurant d’acheter ou de vendre une action en sachant qu’un initié a fait la même chose. Mais, pour un amateur, investir en tentant de reproduire les transactions d’initiés demeure un exercice fastidieux. Et ce n’est guère une garantie de rendements supérieurs.
Il existe une alternative beaucoup plus intelligente : investir dans des fonds de placements ou des conglomérats dirigés par des investisseurs reconnus, qui affichent un véritable historique de rentabilité.
Les gestionnaires de fonds sont mieux outillés pour identifier les meilleures opportunités d’investissement que l’investisseur moyen. Pour ce faire, ils disposent de ressources humaines et technologiques sophistiquées. En plus, ils rencontrent souvent l’équipe de direction des sociétés dont ils achètent les actions. Ces professionnels en connaissent beaucoup plus sur les transactions d’initiés que ce qu’un investisseur amateur pourrait découvrir.
Que leurs choix soient optimaux ou non, l’investisseur moyen ne peut prétendre rivaliser avec les meilleurs gestionnaires professionnels en ce domaine.
On peut amorcer une première recherche de tels fonds de placements en consultant les sites suivants :
♦ Morningstar (fonds mutuels et FNB*)
♦ VettaFi (FNB*)
♦ CEFConnect (FCF*)
Une autre alternative est d’acheter des actions de conglomérats qui investissent eux-mêmes dans des entreprises appartenant à différentes industries. Des exemples de conglomérats: Berkshire Hathaway, Icahn Enterprises, Pershing Square Holdings, Alphabet, Honeywell (5).
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Mais peu importe l’investissement ciblé…
…l’investisseur doit analyser et conclure sur les données fondamentales des entreprises (fonds de placements ou conglomérats) dans lesquelles il compte investir. Ces critères sont décrits dans La structure du portefeuille et les sous-fondements qui l’accompagnent.
S’il n’est pas en mesure de faire l’exercice, il doit demander l’aide d’un conseiller professionnel accrédité, tel qu’un planificateur financier.
À coup sûr, ceci évitera de commettre des erreurs coûteuses.
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(1) On réfère ici aux entreprises dont les actions sont cotées en bourse.
(2) Au Québec, l’AMF* impose un délai maximum de 5 jours.
(3) Les dirigeants incluent le chef de la direction, le chef des finances et les autres membres du comité exécutif.
(4) Il s’agit d’une recherche effectuée avec les outils dont nous disposons. Nous ne prétendons pas que cette recherche soit exhaustive.
(5) Ces entreprises sont mentionnées uniquement à titre d’exemples. En aucun cas, elles ne constituent des recommandations d’achat.
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FAQ
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Comment savoir si une action constitue un bon achat?
Il y a plusieurs facteurs à considérer. Un faible niveau d’endettement, un dividende largement couvert par le bénéfice net, un ratio cours-bénéfice* plus bas que celui des concurrents et une solide performance boursière historique sont des éléments qui supportent une décision d’achat.
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Comment placer son argent sans mettre le capital à risque en 2022?
Parmi les placements qui assurent la protection du capital, on compte les obligations gouvernementales canadiennes et américaines, les dépôts à terme émis par des banques à charte et les fonds de marché monétaire*.
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Y’a-t-il un intérêt d’acheter des actions de sociétés privées?
L’investisseur amateur devrait acheter uniquement des actions de sociétés cotées en bourse. La raison est que ces sociétés doivent rendre des compte à l’AMF*, divulguer et expliquer leurs résultats sur une base trimestrielle. De plus, la plupart des sociétés cotées en bourse sont suivies par des analystes financiers professionnels. Tout ceci procure un filet de sûreté à l’investisseur amateur.
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.