Un placement pour contrer l’inflation et la déflation
Un type de placement offre une protection contre l’inflation et la déflation. Toutefois, le volume de transactions et le choix de titres sont limités. De plus, il faut déterminer si les titres comportent toutes les caractéristiques requises pour assurer cette double protection.
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Deux scénarios sont probables
Bien malin celui qui sait si les prochaines années seront marquées par l’inflation ou par la déflation. Des acteurs importants de la scène économique ne s’entendent pas. D’un côté, les investisseurs obligataires anticipent le retour de l’inflation. De l’autre, les dirigeants des banques centrales nous assurent du contraire.
Des économistes renommés, comme Mark Zandi de Moody’s et Patrick Artus de la banque d’affaires Natixis, émettent des opinions complètement opposées.
Comme investisseur, convenons que les deux scénarios sont possibles. Mais sans savoir lequel est le plus probable. Car les deux côtés évoquent de solides arguments.
Arguments qui supportent le scénario inflationniste
1 – L’augmentation de la masse monétaire et des taux d’intérêt quasi nuls
L’injection massive de liquidités par les gouvernements a résulté en une augmentation spectaculaire de la masse monétaire. Au cours de 2020, la masse monétaire a augmenté de plus de 40% aux États-Unis. Cette injection de nouvelles liquidités a permis de maintenir les taux d’intérêt à des niveaux quasi nuls. Des liquidités excédentaires et des taux d’intérêt excessivement bas, sont des facteurs inflationnistes.
2 – Un frein à la croissance des capacités agricoles
La population mondiale augmente. Mais le potentiel de terres cultivables diminue. Pour plusieurs raisons: 1) l’urbanisation galopante des pays émergents restreint les surfaces cultivables disponibles, 2) davantage de terres agricoles sont dédiées à la production de biocarburants, 3) les variations excessives du prix du pétrole rendent aléatoire la rentabilité des exploitations agricoles et 4) des dérèglements climatiques provoquent des ruptures de production.
3 – La rareté des ressources naturelles
Cette situation concerne surtout les hydrocarbures. La croissance des économies émergentes augmente la demande d’énergie. Or, les nouveaux gisements d’hydrocarbures sont accessibles à des coûts écologiques et financiers croissants. Pendant ce temps, le développement des énergies nouvelles (éolien, géothermie, solaire) nécessite des investissements onéreux.
Arguments qui supportent le scénario déflationniste
1 – Une population vieillissante
Le vieillissement de la population mondiale est un phénomène irréversible. Une population vieillissante économise plus qu’elle ne dépense. Au plan macro-économique, ce phénomène diminue la vélocité de la masse monétaire. Ceci explique que l’augmentation de la masse monétaire n’a pas créé d’inflation à ce jour. Elle ne devrait pas en créer dans un avenir prévisible.
2 – Le besoin de désendettement
Les bas taux d’intérêt et l’afflux de nouvelles liquidités ont entraîné l’endettement record des gouvernements et des ménages. Un consensus inévitable se précise : les acteurs économiques doivent procéder à l’allègement d’une dette devenue insupportable. Ce désendettement diminuera la consommation, l’investissement et les appels de nouveaux fonds.
3 – Le retour des plans de rigueur
Après avoir aspergé les économies nationales avec de nouvelles liquidités, les gouvernements doivent rééquilibrer leurs revenus et dépenses. Plusieurs envisagent des plans de rigueur. Ceci entraînera une baisse de la demande des biens et services.
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Quels seront les effets des nouvelles technologies ?
On ne sait pas si les avancées technologiques entraîneront de l’inflation ou de la déflation. D’un côté, ces technologies ouvrent l’accès à de nouveaux produits et services. Elles constituent de puissants stimulants de l’activité économique, créateurs d’inflation.
D’un autre côté, le développement des technologies diminue le coût des produits et services, et réduit le gaspillage. Une plus grande efficacité des moyens de production risque d’exacerber les surcapacités de production, un facteur déflationniste.
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Comment protéger le portefeuille contre deux risques opposés ?
1 – Les actions privilégiées à taux révisable
Les actions privilégiées à taux révisable, assorties d’un taux de rendement global minimum, offrent une protection contre une hausse des taux d’intérêt (en cas d’inflation), et une baisse des taux (en cas de déflation).
À la base, les actions privilégiées à taux révisable paient un dividende dont le taux est calculé comme suit:
→ un taux de base fixe, par exemple 3,5%,
→ un taux égal au taux des obligations fédérales canadiennes ayant un terme de 5 ans (1).
Ce dernier taux correspond au taux des obligations en vigueur lors de l’émission. Supposons que ce taux est de 1,5%. Au cours des 5 années qui suivent, le dividende correspondra à 5% (soit 3,5% + 1,5%) de la valeur nominale de l’action. Typiquement, les actions privilégiées ont une valeur nominale de $25. Le dividende annuel sera donc égal à 1,25 $.
Au terme de la 5e année, si le taux d’intérêt payé sur les obligations fédérales a été révisé à 1%, le taux du dividende payé au cours des 5 prochaines années sera de 4,5% (3,5%+1%). Inversement, si le taux des obligations a été augmenté à 2%, le taux du dividende sera lui aussi augmenté à 5,5%.
2 – Pourquoi a-t-on lancé les actions privilégiées à taux révisable ?
Les premières actions privilégiées à taux révisable ont été émises dans la foulée de la crise boursière de 2008. À ce moment, on anticipait une augmentation des taux d’intérêt due à la hausse notoire du prix du pétrole (2). Les actions privilégiées à taux révisable offraient une protection face à la hausse éventuelle des taux d’intérêt. Elles ont connu un franc succès auprès des investisseurs.
3 – Certaines actions privilégiées à taux révisable offrent une double protection
Certaines actions privilégiées à taux révisable comportent une caractéristique additionnelle : elles garantissent un rendement de dividende global minimum. Prenons l’exemple ci-haut. Supposons que l’action comporte un taux de rendement minimum global de 5%. Si après 5 ans, le taux payé sur les obligations est réduit à 1%, le taux de dividende payé à l’actionnaire sera inchangé, puisque le taux minimum global est 5%.
Inversement, si le taux des obligations est augmenté à 2% au terme des 5 années, le taux du dividende privilégié serait augmenté à 5,5% (3,5% + 2%).
Où trouver l’information sur les actions privilégiées en cours ?
Certaines institutions financières publient des rapports sur les actions privilégiées en cours. Ces rapports décrivent les principales caractéristiques des titres (3). L’investisseur devrait demander à son institution financière si celle-ci produit de tels rapports.
Autres paramètres à considérer
Les actions privilégiées ont des caractéristiques différentes des actions ordinaires. De plus, il existe plusieurs types d’actions privilégiées. Pour déterminer si une action privilégiée convient à son portefeuille, l’investisseur doit évaluer si le titre satisfait à tous les critères de sélection applicables. Ces critères de sélection sont décrits dans le fondement Évaluer les titres à revenu fixe.
Le cas échéant, l’investisseur non averti aurait avantage à consulter un conseiller spécialisé pour guider son choix.
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Conclusion
L’action privilégiée à taux révisable, assortie d’un taux de rendement global minimum, offre une double protection :
→ l’actionnaire bénéficie d’une hausse de son dividende si les taux d’intérêt obligataires augmentent,
→ le dividende est protégé en cas de baisse indue des taux d’intérêt.
Ces titres constituent un complément intéressant au portefeuille. Cependant, leur inventaire est limité. De plus, ce type d’actions est souvent émis par des sociétés moins connues. En conséquence, l’investisseur doit en faire une évaluation serrée (et obtenir l’aide d’un conseiller spécialisé le cas échéant). Pour ces raisons, ils ne devraient pas représenter une proportion significative du portefeuille.
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(1) Le terme de 5 ans est celui qui est le plus répandu.
(2) Entre juin 2007 et juin 2008, le prix du baril de pétrole a augmenté de 91%, passant de 88$ à 168$.
(3) Nous avons eu l’occasion de consulter les rapports produits par la banque CIBC et le cabinet Raymond James.
FAQ
Est-ce que l’inflation est bonne pour l’économie ?
Une inflation de l’ordre de 2-3% stimule l’activité économique. Elle assure un équilibre entre l’épargne et l’investissement. Elle réduit le poids de la dette des entreprises et des ménages, étant remboursée ultérieurement, avec des dollars d’une valeur réduite par l’inflation.
L’inflation est-elle préférable à la déflation ?
Dans les extrêmes, les deux auraient des effets désastreux. Mais, toute proportion gardée, une inflation modérée est préférable à une déflation modérée. Une déflation même modérée entraîne un ralentissement de la consommation, décourage l’investissement et génère du chômage.
Où investir en cas de déflation ?
Les placements à considérer: les dépôts à terme et bons du trésor, les obligations, les actions privilégiées perpétuelles bien cotées et les actions ordinaires de sociétés rentables, bien capitalisées et qui paient des dividendes.
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.