La Tribune apporte des réponses succinctes à des questions portant sur les finances personnelles. Ces réponses ne sont qu’informatives et pourraient ne pas être adaptées à toutes les situations. Le cas échéant, il est souhaitable d’obtenir un conseil professionnel.

_______________________________________________________

Un leg inspirant

Buffett_4

À 94 ans, Warren Buffett laisse le poste de chef de la direction de Berkshire Hathaway. C’est l’occasion de revenir sur quelques principes qui ont marqué une vie empreinte de succès, de sagesse et de simplicité.

_________________________________________________

L’héritage

La décision de Warren Buffett de quitter son poste de PDG de Berkshire Hathaway marque la fin d’une ère. Il dirigeait la société depuis 60 ans.

Comme investisseur, il affiche une feuille de route inégalée. Son approche marquée au coin du bon sens a agi comme un contrepoids aux excès de Wall Street. Comme peu ont réussi à le faire, elle a inspiré des millions d’investisseurs.

Avant de rappeler des principes qui nous ont interpellés, il convient de revenir sur trois éléments de l’héritage de Warren Buffett :

1 – Une succession ordonnée

À 62 ans, Greg Abel est le nouveau PDG. La nouvelle n’a pris personne par surprise. Il est avec la société depuis 25 ans. Il a occupé divers postes de direction autant dans des sociétés du groupe qu’au siège social. On a fréquemment mentionné son nom lorsque la question de la succession de Warren Buffett était abordée.

Buffett demeure président du conseil d’administration. Il offrira des conseils et aidera à préserver la culture unique de Berkshire.

« Je serai encore là, probablement les pieds sur le bureau, à lire des rapports annuels. Mais Greg est le patron. »

***

La nomination largement anticipée de cet exécutif d’expérience démontre la sagesse d’avoir planifié et annoncé longtemps d’avance une succession en douceur au poste névralgique de PDG.

Bien des entreprises gagneraient à s’inspirer de cet exemple pour planifier avec soin la succession de leurs dirigeants.

2 – Un bulletin « A »

Berkshire affiche une performance financière hors du commun :

 Un rendement annuel composé de 19,9% sous la gouverne de Warren Buffett

Sur 60 ans, ceci représente près du double du rendement de 10,4% de l’indice S&P 500 (1).

Sur les 10 dernières années, le rendement annuel de l’action de Berkshire (14,5%) dépasse celui du S&P 500 (12,2%) (2).

♦  Un bilan exempt de dette et comportant d’importantes liquidités

Pour en témoigner, on se souvient que des entreprises emblématiques de Wall Street avaient sollicité l’aide de Buffett pour les renflouer pendant la crise financière mondiale :

En 2008, Berkshire a investi $5 milliards dans Goldman Sachs et $3 milliards dans GE pour sécuriser leur situation financière. Puis, en 2011, la société a acquis des actions privilégiées à haut rendement de Bank of America ($5 milliards) pour permettre à cette méga-banque d’équilibrer son bilan.

Est-il besoin d’ajouter que ces transactions ont généré des rendements substantiels pour Berkshire ?

3 – Un portefeuille d’actions composé de sociétés privées et de sociétés cotées en bourse

Le bilan de Berkshire comporte trois types d’actifs (3) :

A. Encaisse et bons du Trésor – $350 milliards

B. Participations dans 44 sociétés cotées en bourse – $270 milliards

3 entreprises (Apple, American Express, Bank of America) représentent 48% de ce nombre. La valeur marchande des 44 participations de Berkshire est 4 fois supérieure à leur coût d’acquisition.

C. Participations majoritaires dans 80+ sociétés privées – $550 milliards

***

Le portefeuille de Berkshire comporte deux particularités :

1 – Prévalence des secteurs traditionnels

Outre sa position dominante dans Apple et une participation modeste dans Amazon, les actifs de Berkshire sont concentrés dans des secteurs traditionnels : assurance, banques, biens de consommation, rail et énergie.

Warren Buffett a toujours privilégié les investissements qui génèrent des liquidités aujourd’hui, et non ceux qui reposent sur des promesses de rendements futurs.

2 – Intérêt pour des entreprises matures

Le second principe découle du premier. Buffett préfère investir dans des entreprises matures plutôt que des entreprises en démarrage. Les premières démontrent des réalisations et des performances réelles. Les autres reposent sur des conjectures.


Quatre principes à retenir

L’approche de PORTEFEUILLE 101 n’est pas en tous points pareille à celle de Warren Buffett. Mais les principes suivants en font partie :

1 – Payer un prix raisonnable pour une entreprise dont les résultats sont prévisibles

Un prix est raisonnable lorsque la valeur intrinsèque* est supérieure au prix payé.

En second lieu, plus les résultats d’une entreprise sont prévisibles, plus le risque de perte est minimisé.

À moins d’être chanceux, les meilleurs investissements résultent d’une accumulation de bénéfices modérés mais soutenus sur de longues périodes.

Coca-Cola en est un exemple. Entre 1965 et 2025, le cours de l’action a gagné 11,6% par année (4). En ajoutant le  dividende, le rendement annuel dépasse 14%.

Coca-Cola n’était pas une nouvelle entreprise prometteuse lorsque Berkshire y a investi. Elle était déjà centenaire !

2 – Ignorer le bruit ambiant et les prédictions

Buffett aurait pu déménager à New York ou à Chicago. Il a choisi de rester à Omaha (Nebraska). Cela lui a permis d’ignorer les bavardages incessants d’experts financiers.

Jamais Buffett n’émet de commentaires sur les prédictions d’analystes ni sur les résultats trimestriels des entreprises, sujets de prédilection sur Wall Street.

« Nous faisons des projections dans notre tête. Mais nous ne tenons pas à écouter les projections des autres. »

3 – Gérer le capital avec parcimonie

Il importe d’allouer le capital disponible dans les produits financiers appropriés (actions ordinaires, actions privilégiées, obligations, dépôts,…) . Les actions ordinaires doivent représenter les investissements les plus importants. À ce titre, Buffett a abondamment utilisé le « flottant d’assurance » (5) pour financer les investissements de Berkshire.

L’allocation du capital repose aussi sur une utilisation prudente de la dette. Contrairement à une société fortement endettée, un recours limité à l’effet de levier protège le rendement de la société pendant les marchés baissiers.

4 – Porter attention aux principales données fondamentales

Une analyse de 5 données fondamentales aide à déterminer si un titre présente de l’intérêt :

Un rendement minimum et constant sur les capitaux propres

Un faible ratio d’endettement*

Un historique de flux de trésorerie positifs

Un ratio cours-bénéfice* comparable à l’industrie et aux moyennes historiques

Une valeur intrinsèque* inférieure à la valeur marchande

_________________________________________________

.

Le succès est comme une boule de neige. Vous avez besoin de neige mouillée et d’une très haute colline.

(Warren Buffett)

_________________________________________________

(0)

(1) Rapport trimestriel de Berkshire Hathaway, 31 mars ’25.
(2) CIBC Investors Edge.
(3) États financiers de Berkshire Hathaway au 31 mars ’25.
(4) MacroTrends.
(5) Insurance float. Il s’agit des primes d’assurance reçues, mais qui n’ont pas encore été versées à titre de prestations aux assurés.

Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.

Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).

À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.

GEA00289 400x600