Pourquoi (ne pas) investir dans les cryptomonnaies

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Depuis plusieurs années, des experts se succèdent, annonçant un nouvel ordre financier mondial basé sur les cryptomonnaies. À date, les discours sont riches en conjectures et en promesses, mais pauvres en éléments concrets. Certes, il y a plusieurs arguments pour y investir. Il y en a davantage pour les éviter.

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Un sursaut de popularité

L’enthousiasme pour les cryptomonnaies vient à nouveau d’exploser. Le 8 décembre, le Bitcoin, la cryptomonnaie la plus importante (1), se transigeait à US$43,000, soit une hausse de 170% de sa valeur marchande par rapport à celle du 1er janvier 2023. Plusieurs cryptos concurrentes étaient également forte hausse (ex : Dogecoin +31%, Ethereum +82%).

Un chantre bien connu de l’univers du placement, Robert Kiyosaki (2), affirme que le Bitcoin sera la bouée de sauvetage (sic) du système monétaire lorsque les monnaies nationales s’effondreront. Il prédit que Bitcoin vaudra entre $100,000 et $1 million d’ici quelques années. Rien de moins!

Pour la nième fois, la vague d’euphorie déferle. Selon le site Statista, environ 425 millions d’individus seraient propriétaires de cryptomonnaies.


Qu’est-ce qu’une cryptomonnaie?

Voici la définition qu’en donne l’AMF* :

Les cryptos sont des actifs numériques qui utilisent la cryptographie (une méthode de sécurisation des données…), un réseau pair à pair et un système de registre distribué numérique pour enregistrer les transactions… Le Bitcoin est échangé lorsqu’une transaction entre deux parties est ajoutée à la chaîne de blocs (blockchain)… Une chaîne de blocs se compare à un registre comptable ou à un grand livre numérique qui est répliqué sur un réseau d’ordinateurs (nœuds) plutôt que d’être conservé en un seul endroit.

Qui comprend un tel charabia? Alors pourquoi se surprendre que des amateurs qui investissent dans les cryptomonnaies aient de la peine à en définir la nature, les limitations et les mécanismes de fonctionnement?


Les arguments en faveur des cryptomonnaies

Les arguments avancés par les partisans des cryptomonnaies sont nombreux. En voici quelques-uns :

1 – Une valeur-refuge plus sûre que l’or

Par rapport à l’or, le Bitcoin offre des avantages particuliers, telles que sa divisibilité, sa portabilité, sa durabilité, sa vérifiabilité et sa rareté. Pour ces raisons, il est appelé à remplacer l’or en tant que valeur-refuge pour les individus autant que pour les gouvernements.

2 – Un potentiel de gains extrêmement élevé

Malgré les risques liés à des marchés volatils et aux fraudes potentielles, la plupart des cryptomonnaies devraient générer de hauts rendements. Le marché des cryptos devrait atteindre USD 1,33 billion en 2023 et croître de 30% par année d’ici 2028 (3).

3 – Un système décentralisé

Le marché des cryptomonnaies est fondé sur un système décentralisé. Il n’y a aucun intermédiaire ni banque centrale. Le placement est transparent et indépendant de tout gouvernement.

4 – Des outils accessibles, rapides et peu coûteux

Comme elles fonctionnent sur des réseaux décentralisés, les cryptomonnaies sont accessibles à toute personne disposant d’une connexion Internet. L’ouverture d’un portefeuille de crypto-monnaies ne nécessite pas de vérification d’identité, d’antécédents ou de crédit. Les transactions transfrontalières impliquent des délais de traitement très courts et sont moins coûteuses.


Les arguments en défaveur des cryptomonnaies

Plusieurs arguments en faveur des cryptomonnaies trouvent leurs contre-arguments :

1 – Une cryptomonnaie n’est ni une valeur-refuge, ni une monnaie d’échange fiable

Depuis 2016, l’augmentation du prix du Bitcoin est un multiple de l’augmentation du prix de l’or. Le placement se sera révélé d’autant plus rentable.

Mais, comme le graphique le démontre, cette valeur a fluctué de façon beaucoup plus marquée que celle de l’or au cours de cette même période.

Ainsi, au cours des 3 dernières années (décembre 2021 à 2023), le prix du Bitcoin a varié entre $16,000 et $64,000.

Or, pour être reconnue comme valeur d’échange fiable, une monnaie doit demeurer relativement stable dans le temps. Jusqu’à maintenant, la valeur du Bitcoin, autant que celles des autres cryptomonnaies, n’a démontré aucune stabilité, mais plutôt une volatilité extrême. La conséquence est qu’une immense majorité d’entreprises refusent de transiger dans une cryptomonnaie, conscientes (comme acheteurs ou vendeurs) qu’elles s’exposent à des pertes significatives.

La 2e conséquence est que l’instabilité des cryptomonnaies les empêche de jouer le rôle de valeur-refuge, comme l’or l’a été au cours des siècles.

Autre élément : en juin ’23, le magazine Forbes estimait à 26,000 le nombre de cryptomonnaies transigées sur les marchés financiers. Si différents acteurs économiques adoptent différentes cryptomonnaies, on voit mal comment ils pourront transiger entre eux en l’absence de monnaies de référence stables.

2 –  Une cryptomonnaie n’a aucune valeur intrinsèque

Lorsqu’on évalue les actions d’une entreprise, on examine sa situation financière, ses résultats, son mode de gestion.  On analyse la croissance historique de ses revenus et de son bénéfice. On constate le succès de ses produits et sa capacité d’innover pour défendre sa position concurrentielle.

On ne peut faire rien de tout cela avec les cryptomonnaies. Il est impossible de les évaluer car elles ne produisent rien. Elles n’ont aucune valeur intrinsèque*.  Leur seule constante historique est leur volatilité.

De fait, la seule valeur d’une cryptomonnaie est le prix que l’on croit qu’un prochain acheteur sera prêt à payer dans un futur qu’il impossible d’estimer. Un prix fortement influencé par les vagues de cupidité et de peur qui caractérisent les acheteurs et vendeurs de cryptomonnaies.

3 – Une règlementation mondiale multiforme

À peu près n’importe qui peut lancer une cryptomonnaie sans passer par le type de contrôle auquel les sociétés cotées en bourse sont soumises.

De plus la réglementation des cryptomonnaies diffère d’un pays à l’autre. Ceci complique les échanges libellés en cryptomonnaies entre acheteurs et vendeurs de pays différents.

À l’heure actuelle, seulement un tiers des pays, soit 80, autorisent l’usage de cryptomonnaies. Neuf (9) pays dont la Chine, en ont formellement interdit l’utilisation. À l’autre bout du spectre, deux (2) pays, le Salvador et le Centrafrique ont institué le Bitcoin comme monnaie légale (4). Le moins qu’on puisse dire est ces exemples ne sauraient servir de référence en matière de politique monétaire!

Une étude du cabinet PWC souligne que l’absence d’un cadre réglementaire mondial solide pour les actifs numériques est préjudiciable à la protection des consommateurs (5).

4 – Une industrie extrêmement polluante

Un élément susceptible de rebuter ceux qui se préoccupent de l’environnement.

Selon une étude de l’Université des Nations-Unies couvrant la période 2020-2021, les opérations de minage de Bitcoin ont consommé 173,4 térawattheures (TW) d’électricité. Si le Bitcoin était un pays, sa consommation d’énergie occuperait le 27e rang mondial, devant le Pakistan qui compte une population de 230 millions d’habitants (6).

L’étude ajoute qu’en plus d’une empreinte carbone significative, le minage de Bitcoins pollue l’eau et les sols.

Il y a à parier que dans un proche avenir, les producteurs de Bitcoins devront répondre de leurs méthodes de fabrication.


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Un placement purement spéculatif

La popularité des cryptomonnaies est en hausse. Une foule d’amateurs y investissent parce qu’ils ne veulent pas être laissés pour compte, simples spectateurs du train qui passe. L’engouement est supporté par un nombre croissant de FNB* lancés par des institutions financières respectées. Il existe actuellement 20 FNB* liés au seul Bitcoin dans le monde. Leur actif combiné s’élève à 4,16 milliards de dollars (7).

Il faut savoir que la gestion d’un FNB* est une source de revenus fort intéressants pour le cabinet responsable. Ça ne signifie absolument pas que le cabinet y investit ses propres fonds!

Les discours en faveur des cryptomonnaies sont séduisants. Mais, ce ne sont que conjectures et verbiage. Ce qui justifie de détenir une cryptomonnaie aujourd’hui est de croire que quelqu’un d’autre acceptera de payer un prix supérieur demain. Point.

Les cryptomonnaies sont des actifs hautement spéculatifs qui n’ont pas d’historique convaincant.

Leur valeur intrinsèque est nulle, elles ne sont pas utilisées comme monnaies d’échange par suffisamment d’utilisateurs importants, leur cadre règlementaire est multiforme d’un pays à l’autre (quand elles ne sont pas interdites de séjour) et leurs prix sont extrêmement volatils.

Pour ces raisons, celui qui n’est pas prêt à risquer indûment son capital, devrait s’intéresser à d’autres opportunités d’investissement.

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(0)
(1)
S
ource : Forbes Jun-28 ’23
(2) Entrepreneur américain, auteur de 3 livres portant sur la réussite financière.
(3) Source : Mordor Intelligence
(4) HelloSafe
(5) PwC Global Crypto Regulation Report 2023
(6) UN Study Reveals the Hidden Environmental Impacts of Bitcoin, UNU, Oct 24 ’23.
(7) Canadian ETFs lead global spot bitcoin funds, BPM, Nov-9 ’23.

Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.

Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).

À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.

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