La Tribune apporte des réponses succinctes à des questions portant sur les finances personnelles. Ces réponses ne sont qu’informatives et pourraient ne pas être adaptées à toutes les situations. Le cas échéant, il est souhaitable d’obtenir un conseil professionnel.
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Des entreprises devenues productives par obligation
Ça semble être une constante de l’histoire : seules les crises amènent les vrais changements.
Au printemps 2020, par suite de l’émergence de la COVID-19, 20 millions de personnes ont perdu leur emploi aux États-Unis, dont la moitié au mois de mars!
Mais, dès le 2e trimestre 2020, on a constaté que la productivité du travail avait augmenté au rythme annuel de 11,2 %, parallèlement à une forte augmentation du salaire horaire moyen.
Sans préavis, une majorité d’entreprises ont modifié leurs processus de travail pour continuer à livrer leurs produits, tout en respectant les contraintes posées par une pandémie aussi soudaine que sévère.
La crise a souligné l’écart entre les entreprises américaines et européennes
Depuis deux décennies, la croissance de la productivité du travail des États-Unis représente plus du double de celle de la zone euro (1).
La pandémie a simplement rendu la comparaison plus évidente.
Alors que la productivité de la zone euro stagne depuis le début de la pandémie, celle des États-Unis a augmenté de 6 %.
On peut invoquer plusieurs causes :
1 – Une pénurie de travailleurs
Les entreprises américaines, incapables de trouver des travailleurs, ont rapidement simplifié leurs processus et investi dans des technologies de remplacement.
2 – Une crise de l’énergie en Europe
La faiblesse des coûts d’importation permettait à la zone euro de conserver ses parts de marché mondiales. La crise énergétique causée par la guerre russo-ukrainienne a modifié la donne. Elle a notamment exposé la dépendance de l’Europe vis-à-vis ses fournisseurs d’énergie étrangers (dont la Russie) et l’imprévisibilité de ses approvisionnements. Ceci a eu pour effet de nuire au flux normal des biens et services à travers la zone.
3 – Des investissements en capital plus importants aux États-Unis
Après inflation, les dépenses en capital des grandes entreprises européennes ont diminué entre 2015 et 2022. Mais celles de leurs homologues américaines ont augmenté de 30 %, notamment dans le secteur technologique. Au terme de cette période, les investissements des entreprises américaines étaient 60 % plus élevés que ceux de leurs homologues européens (2).
4 – La flexibilité de la main d’œuvre américaine
L’adaptation des métiers à de nouvelles compétences est essentielle pour que les entreprises évoluent en phase avec leurs marchés. En clair :
Entre 2016 et 2019, 1,2 % de la main-d’œuvre américaine a changé d’emploi à chaque année vs 0,4 % en Europe (3).
D’ici 2030, les États-Unis et l’Europe devront chacune procéder à 12 millions de transitions professionnelles, soit respectivement 6,5% et 7,5% de leur main d’œuvre.
Pour l’Europe, le défi est de taille : les transitions requises vont représenter le double du rythme prépandémique. Aux États-Unis, le nombre de transitions correspondra au rythme habituel.
5 – La création de nouvelles entreprises
Des données récentes indiquent que les Américains retrouvent leur mentalité d’entrepreneurs. À preuve: depuis 2020, année de la pandémie, le nombre de nouvelles entreprises a explosé :
Entre 2016 et 2020, les entreprises déjà établies ont créé un (1) emploi pour quatre (4) emplois créés par des entreprises en démarrage.
Or, les nouvelles entreprises sont sources d’innovations. Elles génèrent une concurrence accrue, ce qui pousse les entreprises moins productives à quitter le marché. Elles sont un moteur important d’avancées technologiques. Elles créent des processus de gestion plus efficaces.
Au cours de ses 232 années d’existence, l’Amérique a été le meilleur outil pour libérer le potentiel humain. Les progrès économiques de notre pays sont hors du commun. Notre conclusion est inébranlable : ne pariez jamais contre l’Amérique – (Warren Buffett)
Depuis des décennies, la productivité de la zone euro est à la traîne de celle des États-Unis. Il en résulte une plus faible croissance du niveau de vie et un déclin de sa puissance économique.
Personne ne peut prévoir comment les choses évolueront.
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Mais, pour l’investisseur, une conclusion s’impose :
Plus que jamais, une partie significative du portefeuille de placements devrait être investie dans des titres d’entreprises américaines.
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(1) Why Is Europe Losing the Productivity Race, Project Syndicate, April ’24.
(2) Accelerating Europe: Competitiveness for a new era, McKinsey, Jan ’24.
(3) A new future of work: The race to deploy AI and raise skills in Europe and beyond, McKinsey, May ‘24
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.