La Tribune apporte des réponses succinctes à des questions portant sur les finances personnelles. Ces réponses ne sont qu’informatives et pourraient ne pas être adaptées à toutes les situations. Le cas échéant, il est souhaitable d’obtenir un conseil professionnel.
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Cinq (5) réalités immuables
Il est bon de se remémorer des réalités qui ne se démentent jamais. On en fait fi de temps à autre, par distraction ou manque de rigueur. Auquel cas, on finit par le regretter.
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1 – Les fluctuations des cotes boursières ne valent pas la peine d’être prises en compte
Les cotes boursières ne fluctuent pas en fonction des nouvelles qui touchent les entreprises ou l’économie. Elles fluctuent en fonction des sentiments qu’elles inspirent aux investisseurs. Sentiments qui oscillent entre la peur et la cupidité. Ces réactions sont généralement excessives à cause d’un effet de mimétisme* omniprésent, ce qui amplifie l’importance des fluctuations.
Pourquoi une action baisse-t-elle de X% en une journée ? 9 fois sur 10, il n’y a pas de réponse convaincante. En l’absence d’événements déterminants, les conjectures ne valent pas grand-chose.
L’important, ce sont les tendances. Mais ce qui arrive en une journée n’est pas une tendance.
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Les investisseurs qui ont un horizon de rendement à long terme se concentrent plutôt sur la valeur intrinsèque* des entreprises dans lesquelles ils détiennent des positions.
2 – Les prix cibles sont inutiles
Les analystes financiers ont pour pratique de fixer des prix cibles pour les titres qu’ils suivent.
Il y a 3 problèmes :
♦ Les prix cibles sont à court terme
L’échéance typique d’un prix cible est 12 mois.
Celui qui investit dans le cadre d’une approche fondamentale a un horizon de rendement minimum de 5 ans, idéalement 10 ans.
♦ Les prix cibles ne causent pas les meilleures décisions
Au fur et à mesure que les cotes boursières montent, l’optimisme entraîne la hausse des prix cibles. Dans le cas contraire, le pessimisme tend à faire baisser les prix cibles.
Le résultat est qu’ils tendent à faire vendre les meilleurs titres. Exemples :
En 2009, Constellation Software (CSU) avait un prix cible de $40. Cinq ans plus tard, l’action se transigeait à $270. L’investisseur qui a vendu au prix cible de l’époque a raté la possibilité de multiplier sa mise par sept. Au 29 juillet 2024, l’action cotait à $4,474 !
En 2004, UBS avait un prix cible de $2,64 $ pour Apple (ajusté en fonction des fractionnements d’actions). Trois (3) ans plus tard, l’action se transigeait à $7,50. Le 29 juillet 2024, elle se négociait à $218!
On pourrait remplir des pages avec des exemples de prix cibles qui ont fait vendre des titres gagnants beaucoup trop tôt.
Inversement, on donnerait autant d’exemples de prix cibles qui n’ont jamais été atteints et qui n’ont jamais été modifiés (ou l’ont été beaucoup trop tard) par les analystes concernés.
♦ On ne peut prévoir le futur car il y a trop de variables aléatoires
Pour fixer un prix cible réaliste, les analystes devraient tenir compte de beaucoup plus de variables aléatoires que celles qu’ils retiennent. Exemples : les taux d’intérêt, l’apparition de nouveaux compétiteurs et de technologies disruptives, les troubles géopolitiques, les cataclysmes, etc. L’impact et l’interaction de tous les facteurs sont impossibles à prévoir.
Des études ont démontré qu’historiquement, les prix cibles ont un taux de précision acceptable sur 12 à 18 mois dans 30% des cas (1). Un taux beaucoup trop bas pour qu’on puisse s’y fier.
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Oubliez les prix cibles.
Concentrez-vous sur la performance des entreprises. Diversifiez dans le cadre d’une structure de portefeuille explicite.
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3 – Les ventes de titres par des initiés sont rarement des événements importants
Il existe de multiples raisons pour lesquelles les initiés* vendent des actions de leur entreprise. Selon une étude menée par Harvard Law School (2), la raison la plus courante est la nécessité de diversifier le portefeuille. Lorsque les actions de son entreprise occupent une part excessive de la valeur du portefeuille d’un initié, il devient nécessaire d’en réduire l’importance. D’autres raisons de vendre des actions incluent la planification fiscale ou simplement des raisons financières personnelles.
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En revanche, les achats d’initiés sont importants. Il n’y a généralement qu’une seule raison pour qu’un initié achète des actions de sa propre entreprise : il croit qu’elles sont sous-évaluées.
Les investisseurs devraient porter leur attention sur les achats d’initiés, pas sur les ventes.
4 – Des variations de valeur de quelques titres peuvent modifier la structure du portefeuille
Lorsque la valeur boursière d’un de nos titres s’envole, on se réjouit. Le risque est de se laisser guider par la cupidité. La tentation est de maintenir la position gagnante, voire de la bonifier.
Une telle décision peut modifier sensiblement la proportion-cible qu’un seul titre devrait représenter dans le portefeuille.
Supposons que le titre A compte pour 3% du portefeuille. Pour quelque raison, sa cote boursière valeur double. Si la valeur de nos autres actions se maintient, la quote-part du titre A serait proche de 6% du portefeuille, une proportion jugée excessive.
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Il faut éviter de « tomber en amour » avec une entreprise. On conserve une position pour deux raisons :
♦ Les données fondamentales suggèrent que la valeur intrinsèque* est supérieure à la valeur marchande,
♦ La valeur boursière respecte les proportions d’une structure de portefeuille explicite.
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5 – Il faut prendre les déclarations des dirigeants d’entreprises avec un grain de sel
Les dirigeants d’entreprise sont des vendeurs.
Avez-vous déjà lu ou entendu une présentation d’un chef d’entreprise qui décrit à quel point les choses vont mal et les perspectives peu encourageantes ? Quand les choses vont mal, les dirigeants ne prennent pas la peine d’organiser des tournées de présentations. Non, les présentations des entreprises soulignent les bons coups et les opportunités de croissance. Et elles suggèrent que le temps est opportun d’y investir, etc.
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Les déclarations des dirigeants ont certes leur importance. Mais, il convient de les recouper avec les critiques d’analystes financiers et de gestionnaires professionnels (indépendants de l’entreprise) dont le travail est précisément de questionner et de valider leurs prétentions.
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(1) Price Target: How to Understand and Calculate Plus Accuracy, Investopedia, March ‘22
(2) Why do Insiders Trade ? HLS
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.