Faut-il se protéger contre l’inflation?
Investir dans l’or et détenir des titres immobiliers qui versent des dividendes font partie des placements qui offrent une protection contre l’inflation. Encore faut-il déterminer si l’inflation est un risque imminent, dont l’impact pourrait être significatif.
Les statistiques officielles reflètent-elles la réalité ?
Selon les chiffres officiels, l’inflation est en baisse au Canada. À fin janvier 2021, le taux d’inflation annuel s’élevait à 1%, alors qu’il était supérieur à 2% l’année précédente.
Pourtant, des données nous rendent dubitatifs. Par exemple, de 2020 à 2021 :
→ le prix moyen du baril de pétrole est passé de 40 $ à 66 $, une hausse de 65% (1).
→ le prix moyen des résidences a augmenté de 13% au Canada et de 20% au Québec (2).
→ les métaux de base se sont appréciés de 30% à 100% (3).
→ plusieurs aliments ont vu leurs prix augmentés de beaucoup plus que le 1% de Statistique Canada (4).
Pandémie oblige, il est clair que les prix de certains produits ont connu une forte inflation, tandis que d’autres, comme les voyages, ont subi une déflation. Ce qui semble certain, c’est que les récents changements d’habitudes de consommation des Canadiens ne sont pas pris en compte dans les paramètres utilisés pour calculer l’Indice des Prix à la Consommation (IPC).
Des signes avant-coureurs d’inflation
Au-delà de ces statistiques, d’autres signes laissent croire qu’un retour de l’inflation n’est peut-être plus aussi lointain qu’on a cru jusqu’à aujourd’hui :
1 – Le marché obligataire
Depuis le début de l’année 2021, le marché obligataire semble anticiper un retour de l’inflation. Du 1er janvier au 18 mars, le taux sur les obligations américaines 10 ans a presque doublé, passant de 0,9% à 1,75%. Au Canada, le taux de l’obligation fédérale 5 ans a atteint 1 %, une hausse de 60 points de base depuis un mois(5).
À première vue, ces hausses de taux semblent minimes. Mais il faut savoir que le marché obligataire est un marché plus important que le marché boursier. En 2019, on estimait la valeur du marché obligataire mondial à 106 trillions $, soit 112% de la valeur du marché boursier. Aux États-Unis, la proportion serait de 133% (6).
De légères variations des taux d’intérêt obligataires représentent des sommes colossales.
2 – La masse monétaire
Aux États-Unis, la masse monétaire aurait augmenté de près de 40% en 2020 (7), conséquence de l’achat massif de titres obligataires par la banque centrale et des distributions de fonds aux entreprises et aux particuliers touchés par la crise, une stratégie suivie par les banques centrales de nombreux autres pays. Cet afflux de nouvelles liquidités est susceptible de déclencher des poussées inflationnistes.
À ce sujet, il est intéressant de noter que toutes ces liquidités ont servi à gonfler la valeur des titres boursiers plutôt qu’à augmenter la consommation de biens et services.
À preuve, les ratios cours-bénéfice des bourses nord-américaines sont substantiellement plus élevés que leurs moyennes historiques. Alors qu’historiquement, les bourses se transigent à des ratios de 15 à 20, les indices TSX et S&P500 sont, au 10 mars ’21, valorisés à des ratios de 28 et 31 respectivement.
3 – Le taux d’épargne des particuliers
Selon les données disponibles, on estime que le taux d’épargne des particuliers s’élève à 13% comparé à 1,4% à fin 2019 (8). Ces fonds accumulés pourraient être déployés une fois que l’activité économique reprendra alors que la pandémie sera sous contrôle, ce qui pourrait alimenter l’inflation.
Peut-on s’attendre à une inflation importante?
Non, selon certains acteurs économiques importants, l’inflation ne présente pas un risque imminent. Oui, selon d’autres, qui anticipent un retour en force de l’inflation. Ceux qui sont censés avoir une meilleure lecture du marché ne voient tout simplement pas les mêmes choses!
1 – Les banques centrales
Les banques centrales n’anticipent pas l’émergence d’une inflation structurelle importante. Tout au plus, elles s’attendent à une poussée ponctuelle des prix. Le président de la réserve fédérale américaine croit même que les pressions à la hausse sur les prix sont une « bonne chose ». Selon le Fonds Monétaire International, l’inflation se situerait à 225 % à la suite de la mise en place du programme de stimulus monétaire du président Biden (9).
2 – Les investisseurs
Les investisseurs boursiers ne sont pas craintifs. Au moment d’écrire ces lignes (9 mars ’21), l’indice américain est en hausse de 15% par rapport à son niveau pré-pandémie le plus élevé, soit le 14 février ’20. Ce dernier était lui-même en hausse de 22% sur l’indice un an plus tôt. De toute évidence, les investisseurs ne craignent pas l’émergence d’une inflation importante qui viendrait plomber les valeurs boursières.
3 – Le marché obligataire et les économistes
Les détenteurs d’obligations lancent un tout autre message : la fête tire à sa fin. Malgré les déclarations des gouvernements, les perspectives inflationnistes sont réelles. Comme les banques centrales continuent d’injecter d’importantes liquidités afin de maintenir les taux d’intérêt à leur niveau actuel, cela entraînera inévitablement de l’inflation.
De plus en plus d’économistes émettent de sérieux avertissements. Mark Zandi, économiste en chef de Moody’s, est l’un d’eux : Wall Street sous-estime nettement la gravité d’un retour de l’inflation. Les pressions inflationnistes vont se matérialiser très rapidement. Elles toucheront tous les secteurs du marché. Personne n’y échappera (10).
Devrait-on se protéger contre un éventuel retour de l’inflation?
Oui, au-delà des messages contradictoires d’experts, de sérieux indicateurs confirment que le risque d’inflation est bien présent. La prudence la plus élémentaire dicte de protéger notre patrimoine contre les dommages qu’une inflation importante pourrait entraîner.
1 – Des placements qui offrent une protection contre l’inflation
Le fondement Les risques liés à l’inflation et à la déflation indique comment se protéger des risques liés à l’inflation.
On spécifie 5 types de placements :
→ Les titres à dividendes d’entreprises rentables,
→ Les obligations à rendement réel,
→ Les métaux précieux,
→ Les placements immobiliers,
→ Les titres de fiducies immobilières.
Le fondement décrit chacun de ces types de placements. Parmi eux, les titres à dividendes d’entreprises rentables, incluant les titres de fiducies immobilières, sont ceux que l’on devrait privilégier. Ces placements produisent un rendement de base constant, peu importe l’état des marchés boursiers, du fait qu’ils versent des dividendes.
2 – Maintenir un portefeuille structuré
Le meilleur moyen de minimiser l’impact de l’inflation est de maintenir un portefeuille de placements cadré dans une structure explicite qui prévoit une diversification des :
→ types de placements
→ types d’entreprises
→ secteurs d’activités
→ régions et monnaies d’échange.
À ce titre, La structure de portefeuille spécifie dans quelle proportion ces types de placements devraient être représentés dans le portefeuille global.
Conclusion
On ne peut baser une stratégie de portefeuille sur des prédictions, surtout des prédictions à court terme. Il faut cependant appréhender les risques qui guettent l’investisseur et s’efforcer de déceler des tendances susceptibles d’influencer le rendement à long terme du portefeuille.
La croissance spectaculaire de la masse monétaire et des taux d’intérêt maintenus artificiellement à des niveaux quasi nuls, sont des facteurs inflationnistes significatifs qu’aucun investisseur ne devrait ignorer.
FAQ
Comment est calculé le taux d’inflation ?
Le taux d’inflation correspond à la variation (en %) de l’Indice des prix à la Consommation (IPC) à deux dates, par rapport à la valeur de départ. La valeur de l’IPC est déterminée sur la base des prix d’un panier fixe de biens et services à une date donnée.
Quelles sont les conséquences de l’inflation ?
L’inflation représente une baisse du pouvoir d’achat. Elle se traduit par une augmentation générale des prix. Une inflation modérée est avantageuse car elle encourage l’acquisition de biens tangibles. En revanche, une forte hausse pénalise les épargnants et augmente les prix des importations. Enfin, l’inflation entraîne immanquablement une hausse des taux d’intérêt.
Comment contrôler l’inflation ?
Le contrôle de l’inflation relève des pouvoirs de la Banque du Canada. À cette fin, l’organisme dispose de deux moyens d’intervention. Elle peut 1) augmenter son taux d’intérêt directeur ou 2) limiter la quantité de monnaie en circulation.
(1) Crude Oil Prices, Macrotrends
(2) Canadian Mortgage Trends, Jan ’21 et L’inflation potentiellement sous-évaluée, ici-radio-canada, Mars ‘21
(3) L’envolée des prix des matières premières, Le Moniteur, 2 décembre ’21.
(4) L’inflation, sous-évaluée par Statistique Canada, Journal de Montréal, .22 février ’21.
(5) Soudaine pression sur les taux, Le Devoir, 27 février ’21.
(6) Capital Markets Fact Book 2020, Sifma
(7) Money Supply Growth Remained Near All-Time Highs, Seeking Alpha, Dec 3 ‘20
(8) What you can do with your extra savings during the pandemic, CBC, February 11 ’21.
(9) Commentaires tirés de l’article Soudaine pression sur les taux, Le Devoir, 27 février ’21.
(10) Investors haven’t fully grasped inflation is dead ahead, CNBC, March ’21.
Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.
Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).
À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.