Les (nouvelles) industries d’avenir

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Depuis dix ans, les entreprises technologiques ont eu une croissance qui s’est traduite par des gains boursiers exceptionnels. Au cours de la prochaine décennie, leur performance pourrait dépendre davantage de leur capacité à solutionner les problèmes quotidiens de monsieur Tout-le-monde qu’à imaginer des loisirs virtuels inédits.

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Les rendements exceptionnels du secteur technologique

Même en tenant compte des pertes substantielles subies en 2022, le secteur technologique a été le secteur boursier le plus performant de la dernière décennie :

Au cours de cette période, 5 entreprises technologiques (1) se sont hissées parmi les 10 capitalisations boursières les plus importantes de l’indice S&P 500.

Si on retourne plusieurs décennies auparavant, des entreprises technologiques furent aussi la source d’importants marchés haussiers. Des entreprises comme Intel, Cisco et Apple ont introduit des outils informatiques révolutionnaires (telles les micropuces), à la fois performants et accessibles au commun des mortels.

D’autres ont suivi. Alphabet (Google) a développé des outils de recherche permettant d’accéder quasi instantanément aux connaissances du monde. Amazon a révolutionné la vente au détail tout en investissant dans une myriade d’autres innovations. Microsoft est devenu un leader dans les systèmes d’exploitation, la cybersécurité, le cloud computing et l’intelligence artificielle.


Le syndrome du réfrigérateur

Mais avec le temps, les innovations technologiques deviennent ordinaires.

Une fois qu’on s’est habitués, elles produisent le même effet qu’un réfrigérateur. Elles font partie de notre vie quotidienne. On ne saurait s’en passer. Tout comme le réfrigérateur, elles s’intègrent dans notre routine.

Pour les entreprises qui en vivent, elles deviennent des véhicules de lente croissance. Dans certains cas, il s’avère difficile d’innover, des compétiteurs ou des solutions alternatives apparaissent.

Même si les entreprises demeurent rentables, elles croissent beaucoup plus lentement. Elles perdent graduellement leur attrait auprès des investisseurs.

Dès lors, elles sont tentées de se diversifier dans des domaines technologiques inexplorés, qui n’exercent pas un attrait de masse a priori.

Le cas de Facebook illustre ce phénomène. Pour marquer sa nouvelle orientation, la société est devenue Meta.


Meta, l’archétype d’une course en avant

Au quatrième trimestre 2021, pour la première fois en 17 ans, Facebook a perdu un demi-million d’utilisateurs quotidiens par rapport au trimestre précédent. Ça ne représente pas une baisse majeure sur un total de 1,9 milliard d’utilisateurs. Mais cela a rappelé une tendance que certains percevaient déjà, à savoir que la donne des réseaux sociaux est engagée dans une forte mutation.

En novembre de la même année, Facebook devient Meta.

En 2022, les choses empirent. Sur fonds d’arrivée de nouveaux compétiteurs (2) et de la mauvaise performance de tout le secteur de la haute technologie, le bénéfice net de la société fond de 41% (3) par rapport à l’année précédente.

Pour ses dirigeants, cela confirme que la décision d’investir massivement dans le développement d’un nouvel axe de croissance était justifié. Ce nouvel axe est le Métavers.

Le concept procède d’une vision de l’avenir dans laquelle l’intelligence artificielle dirigera une partie de nos vies. Dans ce monde, il suffirait d’enfiler un casque pour réaliser nos rêves de manière virtuelle. Dépendant des nombreux modèles à l’essai à l’heure actuelle, il en coûterait entre 500$ et 1 500$.

Plusieurs usagers expérimentent déjà ces outils virtuels. Les futuristes font le pari que le monde entier les adoptera dans un avenir rapproché.

Le pari de Meta est titanesque : il s’agit de rentabiliser des investissements de plusieurs dizaines de milliards de dollars et, d’ici là, convaincre les troupes qu’on y arrivera! (4)

On ne sait si l’avenir sera conforme aux prétentions des futuristes. Chose certaine, Meta investit des sommes colossales dans la nouvelle aventure. Les perspectives de succès sont à confirmer.

Le cas de Meta risque de ne pas être unique. Les autres grandes sociétés technologiques ont engagé la course aux investissements dans l’intelligence artificielle (IA). L’investissement de $10 milliards de Microsoft dans Open AI n’est qu’un exemple. L’IA pourrait venir modifier le modèle d’affaires de ces grandes sociétés.


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Le monde a besoin de solutions à des besoins primaires

L’avenir pourrait bien être comme les futuristes le prédisent.

Mais, deux (2) réalités viennent bouleverser ce qu’on en imagine :

une guerre coûteuse et qui n’en finit plus en Europe de l’Est,

des dérèglements climatiques, causes de formidables cataclysmes (tremblements de terre, inondations, feux).

Il s’ensuit des pénuries alimentaires et énergétiques, la destruction d’infrastructures essentielles et une inflation d’une ampleur sans précédent :

Seulement pour l’Ukraine et la Turquie (frappée d’un tremblement de terre au mois de février), les coûts de reconstruction s’élèvent à plus de $500 milliards (5).

On estime à $165 milliards le coût des dommages des principales catastrophes météorologiques ayant frappé les États-Unis en 2022. C’est le troisième plus haut coût recensé par l’Agence nationale océanique et atmosphérique américaine depuis 1980 (6). 

Au Canada, le prix des aliments accuse une inflation de l’ordre de 10%. Mais, c’est peu au regard de la situation en Europe. À fin mars, le prix des aliments a grimpé de 16,3% en France (7).

Or, on ne solutionnera pas ces problèmes avec des promesses d’expériences virtuelles ou des films en 3 dimensions.

Des événements d’une telle ampleur suggèrent que les investissements des prochaines années devraient, en priorité, viser à satisfaire les besoins de base des personnes : se loger, se chauffer et se nourrir.


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Cinq défis immédiats

Thomas Edison disait qu’à de grands problèmes correspondent de grandes solutions.

Dresser la liste des problèmes qui affectent le quotidien de monsieur Tout-le-monde prendrait plusieurs heures. Mais en voici cinq pour lesquelles une majorité d’institutions conviennent qu’il y a urgence de développer des solutions :

1 – Le stockage du carbone

On sait que l’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère réduit l’effet de serre. Mais, selon plusieurs scientistes, cette solution n’est pas suffisante. Il faut envisager des moyens de recycler le dioxyde de carbone en produits, tels que les carburants synthétiques, la fibre de carbone, les polymères et le béton. Le grand avantage de telles solutions est de transformer une opération d’assainissement de l’environnement en une activité rentable.

2 – Un vaccin universel contre la grippe

Sous forme pandémique, la grippe est une maladie virulente qui se propage dans le monde entier, parfois avec des effets létaux. Or, les virus se reproduisent plus rapidement que le temps requis pour développer un vaccin. Par conséquent, on s’entend sur l’urgence de concevoir un vaccin antigrippal commun destiné à contrer une autre épidémie d’envergure.

3 – Le nettoyage des océans

Des centaines de millions de tonnes de plastique encombrent nos océans. Ce plastique est mortel pour les oiseaux, les poissons et les humains. Et le problème  continue de croître. Cela prendrait des siècles pour s’en départir ou, à tout le moins, pour le neutraliser. À ce jour, il n’existe que des méthodes prototypes pour nettoyer les eaux, auxquelles il faudra ajouter des moyens de nettoyer les côtes.

4 – Le traitement de la démence

La démence est devenue une maladie courante. Plus de 10% des Américains âgés de 65 ans+ souffrent d’Alzheimer. En 2022, les différentes formes de démence coûteront, seulement aux États-Unis, 320 milliards de dollars (8). Les progrès des neurosciences apportent une meilleure compréhension des pistes à suivre pour ralentir (voire stopper) la progression de la maladie avant qu’elle ne prenne la forme d’une pandémie.

5 – Le dessalement des eaux

L’accès à l’eau potable est une condition de survie. Près de 3,5 milliards de personnes pourraient connaître une pénurie d’eau d’ici 2025, tandis que la demande devrait augmenter de l’ordre de 30% d’ici 2050 (9). Une des solutions réside dans le dessalement des eaux de la mer. En effet, le volume d’eau salée sur terre est 50 fois supérieur à celui de l’eau douce (10). Plusieurs entreprises sont déjà engagées dans le traitement de l’eau et le dessalement des eaux de la mer. On trouve une liste de telles entreprises en cliquant ici (11).


Quelles entreprises brilleront au cours de la prochaine décennie?

Dans le passé, des entreprises ont connu d’immenses succès parce qu’elles ont fourni ce dont le monde avait le plus besoin à l’époque : des technologies qui augmentait la productivité, accélérait les communications et facilitait la vie quotidienne avec des produits qu’on ne remarque plus aujourd’hui :

micro-ordinateurs,

téléphones intelligents,

réseaux informatiques.

À ces succès technologiques s’est ajouté l’avènement d’Internet. C’est ainsi qu’on a démocratisé l’accès à l’information globale et facilité les échanges instantanés, moyennant des coûts quasi nuls.

Des entreprises gigantesques ont été à l’origine de cette révolution et apporté de la richesse à leurs actionnaires.

Mais le passé s’estompe. Les intérêts changent. Aujourd’hui, on parle d’intelligence artificielle, de Metavers, de réalité virtuelle, d’immersion 3D, de véhicules électriques autonomes.

Ces nouveaux outils auront du succès s’ils contribuent à servir les industries destinées à satisfaire des besoins primaires de survie :

l’alimentation,

l’énergie,

les métaux,

l’habitation,

les infrastructures civiles,

la santé.

À ceci s’ajoutent les besoins de sécurité (physique, informatique, biologique…) qui continueront d’augmenter pour contrer le développement d’outils d’attaque et de malversation toujours plus puissants. C’est ce qui assurera la croissance de l’industrie militaire et de la cybersécurité pour des décennies à venir.

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Avec leurs ressources financières et humaines considérables, les grandes entreprises de haute technologie seront à même de jouer un rôle de premier plan pour faire face aux immenses défis que posent les guerres et les catastrophes climatiques.

En autant qu’elles ne se laissent pas entraîner à investir dans des activités dont le but, certes inavoué, ne serait que d’élever des monuments de grandeur à leur propre effigie.

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(0)

(1) Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon et Nvidia.
(2) dont TikToK.
(3) Source : États financiers 2022.
(4) Dans un sondage réalisé fin 2022, seulement 28% des employés affirmaient leur confiance dans la société (src : Digital Info World, Jan-13 ’23).
(5) Soit $411 milliards pour l’Ukraine (Le Devoir, 22 mars ’23) et $100 milliards pour la Turquie (Perspectives Monde, avril ’23) .
(6) Le Soleil, 10 janvier ’23.
(7) Le Monde, 29 mars ’23.
(8) Alzheimer’s Disease Facts and Figures, Alzheimer Association, 2022.
(9) Ensuring Prosperity in a Water-stressed World, World Resource Institute.
(10) All the Water in the World, EPA.
(11) Cette référence est fournie uniquement à des fins informatives. PORTEFEUILLE 101 ne recommande aucun des titres mentionnés.

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FAQ

 

Comment investir dans la technologie ?

Il existe un grand choix de fonds communs qui détiennent des positions dans les entreprises de haute technologie. L’avantage d’un fonds de placement géré activement (12) est que l’investisseur détient un panier diversifié de titres choisis par une gestionnaire professionnel. Il n’a pas à analyser les données fondamentales de chaque titre.

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Les besoins de sécurité sont-ils des besoins de base ?

Dans l’échelle de Maslow, les besoins de sécurité constituent des besoins de base. Ils ont préséance sur les besoins d’appartenance, les besoins d’estime et les besoins d’accomplissement.

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Qu’est-ce que le Métavers ?

En langage familier, un Métavers est un réseau de mondes virtuels 3D axés sur la connexion sociale. Plutôt que d’expérimenter l’Internet sur un écran d’ordinateur, on y accède avec un casque d’imagerie virtuelle. Puis on s’y déplace en créant un avatar.

(12) Comment choisir entre la gestion active et indicielle ?

Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.

Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).

À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.

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