Bourse et parachutisme: deux sports extrêmes?

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Un « sport extrême » est un terme populaire utilisé pour désigner une activité physique dangereuse pouvant causer des blessures graves ou même la mort en cas d’erreurs dans son exercice. On peut tracer un parallèle intéressant entre le parachutisme et l’investissement boursier.

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Prologue

Certaines personnes croient que de sauter en parachute et investir à bourse sont deux activités qui présentent un niveau de risque si important qu’elles se refusent à envisager d’en faire l’expérience.

Ce n’est pas le refus de sauter en parachute ou d’investir à la bourse qui sont en cause, mais les raisons invoquées pour justifier la décision.
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Le risque fait partie de notre vie

Qu’est-ce qu’un risque ?  Un risque est un problème potentiel.

Un problème est un risque qui s’est matérialisé.

La réalité est que nous vivons dans un univers rempli de risques. Risques d’accidents, de maladies et d’événements fâcheux pouvant résulter en des pertes de jouissance ou des pertes financières.

Nous n’identifions qu’une infime partie des risques que nous courons. Quant aux risques dont nous sommes conscients, nous investissons peu de temps et d’énergie à les évaluer correctement. Quel est l’importance du risque associé à :

♦ la cigarette

♦ la consommation régulière d’alcool

♦ la conduite automobile

♦ la consommation de sucre

♦ la pratique du ski alpin

Le texte suivant est extrait d’une étude parue dans la revue Interrogations : « Face au risque, les individus ont tendance à évaluer la situation de manière biaisée, que ce soit dans sa dimension de probabilité de survenue ou de dommages potentiels. Ils possèdent des heuristiques entachées de biais, et parfois de bonnes raisons de le sous-estimer, voire de le nier. » (1)

Les risques du parachutisme

Plusieurs personnes associent la peur de sauter en parachute au risque que comporte l’activité. Comme pour toute autre activité récréative, il est tout-à-fait normal que des gens ne soient pas attirés par le parachutisme. Mais ils ne peuvent justifier le refus de sauter par l’importance du risque encouru.

Selon le site de L’Association Américaine de Parachutisme (USPA), la proportion d’accidents fatals par rapport au nombre de sauts diminue à chaque année. Il est passé de 0,00119% en 2000 à 0,00039% en 2018 :

Dans le cas des sauts en tandem (2), la proportion est encore moindre, avec 1 accident fatal par 500,000 sauts, soit 0,0002%. Pour mettre ceci en perspective, le site Seeker rapporte que la probabilité de mourir dans un accident de voiture est 24 fois plus élevée (3) que celle de mourir dans un accident de parachute.
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Pourquoi le risque d’accidents de parachute est-il minime?

Selon l’USPA, aussi rares soient-ils, les accidents de parachute sont surtout causés par des erreurs humaines. Ils ne sont quasiment jamais dus à des problèmes d’équipement ou même au hasard.

La pratique du parachutisme est soumise à la règlementation de l’Association Canadienne de Parachutisme Sportif (ACPS) au Canada et de l’USPA aux États-Unis.

Cette règlementation exige qu’une formation formelle soit suivie sous supervision. Par la suite, d’autres formations intensives et une expérience minimum sont exigées tout au long de la carrière d’un parachutiste, notamment pour l’autoriser à effectuer d’autres types de sauts (i.e. avec d’autres parachutistes ou pour devenir instructeur).

De plus, avant chaque saut, les parachutistes doivent systématiquement effectuer une série de procédures de contrôle visant à prévenir le risque d’accident.

En plus de toutes ces procédures et exigences, lorsqu’un accident se produit (ou même un incident qui aurait pu causer un accident), des sessions de debriefing sont tenues pour identifier les causes et les mesures à prendre pour prévenir que de telles situations ne se reproduisent. Le cas échéant, les parachutistes sont tenus de rédiger des rapports d’incidents destinés aux manufacturiers d’équipements et à leur organisation pour investigation.

Ces rapports sont accessibles au public.

Le nombre d’accidents de parachute est très faible parce que les parachutistes ont reçu une formation adéquate et respectent un protocole de sécurité explicite et reconnu.

Pour ces raisons, même s’il procure des sensations extrêmes, le parachutisme ne peut être considéré comme un sport extrême.


Qu’en est-il de l’investisseur boursier?

À la différence du parachutiste, celui qui investit à la bourse n’est pas tenu de compléter une quelconque formation, ni de suivre une approche reconnue pour gérer son portefeuille.

Ainsi, à l’égard du placement boursier, on retrouve différents comportements et attitudes :

Des gens se refusent à investir à la bourse arguant que cette activité est trop risquée. Ils préfèrent maintenir d’importantes liquidités ou placer leurs économies dans des instruments financiers qui garantissent le capital mais produisent un très faible rendement.

D’autres achètent des titres sur la base de lectures, de discussions ou de « tuyaux » obtenus de sources plus ou moins fiables, sans les avoir analysés au préalable et sans que ces titres n’aient été acquis dans le cadre d’une structure de portefeuille équilibrée.

Certains investissent leur capital dans des fonds communs recommandés par leur institution financière, ou confient leurs épargnes à des gestionnaires professionnels à qui ils accordent toute leur confiance. La plupart du temps, ils ne sont pas en mesure de dire si le rendement de leurs placements se compare avantageusement à des indices de référence crédibles (voir Bâtir un indice de référence).

Ainsi, le rendement historique des petits investisseurs est extrêmement bas. Selon une étude de JP Morgan Chase, le rendement moyen annuel des investisseurs américains au cours des 20 dernières années a été de 1,9%. Au Canada, plus de 60% des portefeuilles de placements des Canadiens sont principalement constitués d’encaisse (4).

 

L’investisseur moyen a une performance médiocre parce qu’il n’a reçu aucune formation en matière de placement. Et parce qu’il ne gère pas ses placements dans le cadre d’une approche éprouvée. On lui a peut-être montré à économiser, mais on ne lui a jamais enseigné à investir.

Ce manque de connaissance est couplé à des opinions fondées sur des prémisses simplistes.


Quand les opinions sont basées sur des biais cognitifs

Selon Matt Gerdes, auteur du livre The Great Book of BASE (5)l’ignorance et la complaisance  sont les causes principales d’accidents fatals. Nous ajoutons que l’ignorance et la complaisance sont les causes principales de rendements boursiers médiocres ou même inexistants!

L’expérience et la formation ont une importance primordiale dans l’établissement d’un sens critique et d’un bon jugement. De la même façon, le manque d’expérience et de connaissances poussent à adopter des raisonnements simplistes et des comportements instinctifs.

Lorsque l’individu ne peut accepter d’être incompétent dans une sphère d’activité, il se replie sur des biais cognitifs.

Les biais cognitifs sont des mécanismes intellectuels qui permettent de porter des jugements rapides ou de prendre des décisions moins laborieuses qu’un raisonnement analytique qui tiendrait compte de toutes les informations pertinentes.

Les biais cognitifs sont à la base de jugements erronés. Selon le forum psychologique Psychomedia, il existe plus de 25 biais cognitifs fortement répandus.

Les biais qui suivent nous aident à comprendre des attitudes et comportements fréquents que l’on retrouve à l’égard du parachutisme et de l’investissement boursier.

1 – Le biais de confirmation

On recherche des preuves qui confirment notre opinion pour la raffermir. Ce biais cognitif consiste à privilégier les informations confirmant des idées préconçues, ou à accorder moins de poids aux informations qui jouent en défaveur de ses conceptions.

Un accident de parachute dont on prend connaissance nous amène à conclure que le parachutisme est dangereux en général. Un crash boursier nous porte à conclure que d’investir à la bourse est risqué.

2 – Le biais de confiance (overconfidence effect)

Ce biais se manifeste par une tendance naturelle à penser que nos capacités sont plus étendues qu’elles ne le sont en réalité.

L’investisseur qui a fait un coup d’argent, probablement par hasard, extrapole ce succès sur sa compétence en tant qu’investisseur. Le parachutiste qui a fait 200 sauts sans incident, peut développer un sentiment confiance exagéré, malgré son inexpérience.

3 – Le biais de négativité

On est plus sensible aux événements négatifs que positifs. Quelque chose de très positif aura moins d’impact sur le comportement et la cognition que quelque chose tout autant émotionnel mais négatif.

Même après avoir effectué 50 sauts sans incident, un parachutiste qui se blesse déciderait d’arrêter de sauter. Un investisseur qui perd un montant important à la bourse décide de ne plus investir du tout.

4 – Le biais de récence (recency effect)

Ce biais consiste à se remémorer plus facilement les derniers éléments mémorisés plutôt que les premiers.

Les accidents en parachute et les crash boursiers récents sont extrapolés comme étant une tendance à long terme.

5 – Le biais de conformisme

C’est la tendance naturelle à penser et à agir comme la majorité de ceux qui nous entourent. C’est la mentalité du troupeau (herd mentality). Il s’agit d’un des biais les plus puissants.

À la bourse, l’investisseur cherche à acheter les titres les plus recommandés, donc ceux qu’une majorité d’investisseurs achète. Il se trouve donc à acheter les titres les plus chers. Et il vend lorsqu’une majorité d’investisseurs vend. C’est l’une des raisons pour lesquelles son rendement est médiocre.

Les opinions sur les dangers du parachutisme sont en bonne partie dictées par l’opinion d’une majorité de gens qui ne sont pas des parachutistes. Il appert que cette majorité est d’avis qu’il s’agit d’un sport extrême, donc dangereux.


L’investissement boursier et le parachutisme sont des activités qui comportent un risque raisonnable et calculé pour peu que les conditions suivantes soient respectées :

Elles sont assorties d’une formation qui dispense les connaissances requises. Dans les deux cas, ces connaissances sont accessibles à ceux qui sont disposés à y consacrer les efforts nécessaires. Au contraire de l’investissement boursier, le parachutisme exige une bonne forme physique, étant donné qu’il s’agit d’un sport.

Le parachutiste et l’investisseur appliquent avec constance l’ensemble des règles de sécurité (parachutiste) et de gestion de portefeuille (investisseur) qui sont requises pour assurer le succès de leur activité. Dans les deux cas, aucun élément qui touche leur activité n’est court-circuité ou pris à la légère. Les règles sont appliquées avec discipline, toujours de la même façon.

Le parachutiste et l’investisseur font preuve de prudence et savent qu’ils ne sont pas exempts d’erreurs de jugement ou d’exécution. Pour eux, c’est une seconde nature de confirmer ou revérifier les actions qu’ils se préparent à prendre.

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(0)

(1) Euphémiser ou nier les risques auxquels on est soumis, Interrogation No. 28
(2) Dans un saut en tandem, le participant est attaché à un parachutiste professionnel qui contrôle toutes les étapes du saut.
(3) Sur la base de statistiques publiées par le Secrétariat américain aux Transports.
(4) Journal de Montréal, 23 juillet 2019 et BlackRock 2015 Global Investor Pulse Survey, cité par Money Sense 27 0ctobre 2015.
(5) Le Base Jump est une discipline qui consiste à sauter en parachute du haut de supports fixes (falaises, ponts, édifices) plutôt que d’un avion. Le saut est effectué sur une hauteur réduite d’environ 500 pieds. Il est réservé à une petite frange de parachutistes d’expérience.

Cet article a été rédigé par Marc-Olivier Desmarais, CPA, Pl. Fin.

Il est planificateur financier indépendant. Sa pratique est encadrée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et par l'Institut de Planification Financière (IPF).

À travers les articles de Portefeuille 101, son objectif est de contribuer à la littératie financière et de stimuler la réflexion en matière de finances personnelles.

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