Warren Buffett vs Elon Musk

Warren Buffett et Elon Musk sont deux entrepreneurs-investisseurs célèbres.

Buffett est président et actionnaire principal de Berkshire Hathaway, un conglomérat dont la valeur boursière excède $550 milliards. Au cours des 50 dernières années, le rendement annuel moyen de Berkshire a été de 21%. On surnomme Buffett, l'Oracle d'Omaha. Sa fortune personnelle est estimée à $86 milliards (février 2021).

Musk est le président-fondateur de Tesla, un producteur automobile et de Space X, une entreprise d'astronautique (vols spatiaux). Il  est à l'origine du développement accéléré de l'automobile mue à l'électricité. On estime sa fortune personnelle à $140 milliards (février 2021).

Buffett et Musk ont bâti leur empire financier à partir de leur génie. Buffett a maintenant 90 ans, alors que Musk a 48 ans. Mais l’âge n’est pas la seule chose qui les distingue…

Le fossé compétitif

Récemment, Musk a contesté publiquement un credo cher à Buffett.

Pour ce dernier, l’élément clé qui permet à une entreprise de dominer ses compétiteurs est de détenir un avantage compétitif inaccessible à ceux-ci. Buffett désigne ce genre d’avantage sous le terme anglais de « moat », qu’on peut traduire par « fossé ». Ceci réfère au fait qu’au Moyen-Âge, les rois faisaient construire de larges fossés autour de leurs châteaux pour empêcher l’intrusion d’ennemis.

Pour une entreprise, la capacité de vendre à des prix carrément inférieurs, un réseau de distribution très étendu, un produit extrêmement performant, constituent des fossés compétitifs difficiles à franchir.

La capacité d'innover

Pour Elon  Musk, la notion de « fossé compétitif » est une idée pittoresque, un vestige du passé et... une arme boiteuse. Pour lui, la seule chose qui compte, c’est la vitesse avec laquelle une entreprise est capable d’innover.

L’attaque de Musk est survenue lors d’une conférence portant sur les résultats trimestriels de Tesla. Un analyste venait de lui demander pourquoi il permettait aux autres fabricants d’automobiles d’accéder à son réseau de chargeurs.

Buffett a été informé des commentaires de Musk un peu avant l’assemblée annuelle de Berkshire Hathaway. Il a reconnu que les fossés compétitifs étaient plus que jamais sujets à être franchis. Mais il a néanmoins maintenu que les entreprises devaient continuer d’en ériger. Et il n’a pas manqué de lancer un avertissement à Musk : « I don’t think he’d want to take us on in candy » (l'une des filiales de Berkshire  Hathaway est See's Candies, un fabricant de bonbons). Et Musk de  menacer (amicalement) de lancer sa propre entreprise de bonbons pour prouver son point!
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Une entreprise au cœur de cet échange…
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.Sans que ceci n’ait été voulu au départ, ce débat sympathique concerne au premier plan une entreprise fort admirée: Apple.

Apple a plusieurs compétiteurs: Samsung, Huawei, Xiaomi, ZTE, LG, Lenovo

Apple détient 18% du marché des téléphones intelligents, mais réalise 87% des profits de l’industrie. Au contraire de ses compétiteurs, Apple s’adresse à la couche supérieure des consommateurs. Elle a réussi à construire un écosystème extraordinaire qui lui permet de vendre ses équipements avec des marges considérables.

Comment Apple en est-elle arrivée là?

Steve Jobs était l’inspiration d’Apple. Envers et contre tous, il a imposé sa vision. On se souvient que peu avant le lancement du iPad, des analystes prédisaient que le produit serait en pure perte. On se demandait pourquoi un propriétaire d’un téléphone intelligent serait intéressé à « traîner » une tablette encombrante qui lui procurerait essentiellement les mêmes informations que son téléphone. On sait ce qui est arrivé.
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Jobs voulait changer le monde...

Jobs est décédé en 2011 des suites d'une longue maladie. Il a aussitôt été remplacé comme président et chef de la direction par Tim Cook. Entré chez Apple en 2005, Cook a occupé divers postes exécutifs pour devenir chef de l’exploitation sous Steve Jobs.

Steve Jobs était un inventeur, un artiste, un visionnaire. 

Tim Cook est un expert du marketing, de la vente et des finances. 

Apple doit se rappeler ce qui est arrivé lorsque John Sculley a remplacé Steve Jobs. Au départ, Jobs avait recruté Sculley pour diriger l'exploitation d'AppleSculley était alors président de Pepsico. Pour paraphraser Jobs, nul n'est besoin d'être un inventeur ou un innovateur pour diriger Pepsico. Il faut exceller en ventes, en gestion financière et en marketing. C'était le cas de Sculley. Rapidement, des conflits sont apparus entre les deux hommes. Le conseil d'administration d'Apple a finalement décidé d'appuyer Sculley. Jobs a quitté l'entreprise en 1985. Huit (8) ans plus tard, en 1993, Sculley a été forcé de quitter l’entreprise, après avoir publié de mauvais résultats financiers. Jobs a réintégré Apple en 1997. Et Apple a retrouvé le chemin du succès.

Maintenant que Jobs est parti, qui va propulser Apple en avant? Jobs n’a jamais conçu de produits pour augmenter les ventes d’Apple. Ce qu'il voulait, c'était changer le monde. Il n’avait rien à cirer des études de marché. Il savait que ce sont les produits qui créent les marchés. Il suivait SA vision. C’est ce qui a propulsé Apple au premier rang des entreprises américaines, tant au niveau de sa taille que de sa rentabilité. Pour le gestionnaire qu'est Tim Cook, on peut penser que la tentation est grande de consolider la position d'Apple en préservant ses marges faramineuses sur les produits existants. La tentation de maximiser les avantages compétitifs d’Apple constitue un risque à sa capacité d’innovation. Sachant que c’est justement cette capacité d’innover qui a permis à Apple de se hisser au premier rang.
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Qui va diriger Apple?

À preuve aujourd’hui, certains reprochent déjà la duplication des nouveaux modèles iPhone. D’autres prétendent qu’Apple est en retard dans le domaine de la réalité virtuelle, d’être à la traîne des applications vocales (vs Alexa et Google) et de n’avoir formulé aucune stratégie d’accouplement avec les autos électriques.

Innover coûte cher mais c’est la seule voie de succès, surtout pour les entreprises de haute technologie. On ne saurait faire de prédictions…mais Apple ne serait pas la première entreprise à tomber de si haut. Qu’on pense à Wang, Digital, Kodak, Lotus, Sony, Palm, Nokia, BlackBerry et même IBM.

Pour l’instant, Apple est un entreprise dominante, dont les ressources financières, humaines et technologiques sont considérables. Mais il faudra voir.
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Car la vraie question est:

Qui va tracer la destinée d'Apple - les créateurs ou les gestionnaires?